samedi 24 décembre 2011

Les détenus handicapés de Fresnes font condamner l'Etat



Le mur d'enceinte de la maison d'arrêt de Fresnes, mai 2009 (
(Audrey Cerdan/Rue 89)




http://www.rue89.com/2011/12/24/les-detenus-handicapes-de-fresnes-font-condamner-letat-227810

Sept détenus handicapés de la prison de Fresnes (Val-de-Marne), circulant en fauteuil roulant, ont obtenu la condamnation de l'Etat à des dommages et intérêts – de 1 000 à 5 000 euros – pour manquement au respect de la personne humaine.


Contacté par Rue89, Etienne Noël, administrateur de la section française de l'Observatoire international des prisons (OIP), se félicite de cette condamnation mais souligne que la majorité des établissements pénitenciers ne disposent pas des aménagements nécessaires au handicap :
« L'un de ces sept détenus avait été transféré aux Baumettes. Nous avions fait condamner l'Etat pour les même raisons, ce qui signifie que quelque soit l'endroit où ils vont les conditions ne sont pas adaptées. Etablissements anciens ou neufs, il n'y a pas de différence. »
Ces condamnations aboutissent à l'indemnisation des détenus mais aucune astreinte ne contraint les prisons à faire les travaux nécessaires pour adapter les établissements à l'accueil de handicapés. Etienne Noël :
« On peut demander aux juges de condamner à l'astreinte. Peut-être qu'on le fera pour d'autres. »

Des « cellules à humanité réduite »

Il y a un an, Laure Heinich-Luijer, qui défend plusieurs de ces détenus, racontait sur Rue89 sa visite de Fresnes suite à la désignation par le tribunal administratif d'un expert-architecte pour rendre compte des conditions de détention des handicapés.
L'avocate en était ressortie profondément émue et choquée par le quotidien de ces détenus :
« En visitant la prison, on se rend vite compte, devant ces cellules à humanité réduite, qu'on ne traite pas les gens comme on les appelle.
Aucun de ces détenus n'aurait dû pouvoir entrer dans cette maison d'arrêt puisque “la rampe d'accès ne présente pas les caractéristiques règlementaires requises”. »

Un poste de surveillance, maison d'arrêt de Fresnes, mai 2009 (Audrey Cerdan/Rue89)
Ils étaient huit détenus en fauteuil à Fresnes et rien n'était prévu, ni pour leur confort, ni pour leur sécurité. Aucune ventilation mécanique dans les cellules, des salles d'eau accessibles certes mais à l'installation électrique défaillante. Surtout, ils n'avaient aucun moyen de circuler dans la prison puisque tout leur était inaccessible. Le constat de l'expert :
  • bureaux d'encadrement  : inaccessibles ;
  • locaux de soins psychiatriques et médico-psychologiques  : inaccessibles ;
  • salle de spectacle : inaccessible ;
  • lieux de culte : inaccessibles ;
  • bibliothèque : inaccessible ;
  • cabine de fouille : inaccessible.
Laure Heinich écrivait alors :
« Heureusement, la salle de sport est accessible, des fois qu'ils veuillent courir sur le tapis roulant. »