mercredi 29 avril 2020

Un autre article à propos de l'affaire de Val de Reuil...

En cette période de suspension quasi totale du service public de la justice, une décision d'aménagement de peine favorable, c'est toujours bon à prendre, quoi que...


Aujourd'hui, mercredi 29 avril 2020, le juge de l'application des peines de Rouen vient de rendre, dans un dossier, un jugement de suspension de peine « ab initio", en faveur d'un de mes clients, gravement malade sur le plan cardiaque, condamné en 2013 à une peine d'une année d'emprisonnement ferme.

Cette peine n'était toujours pas exécutée ni aménagée.

J'ai saisi le juge de l'application des peines, au mois de mars dernier, en sollicitant que la peine d'une année soit suspendue, compte tenu de l'état de santé particulièrement critique de mon client.

Le juge de l'application des peines, comme le texte l'exige, a ordonné une expertise médicale qui a effectivement conclu à "l'impossibilité d'une incarcération dans une maison d'arrêt en raison des soins nécessaires et du risque engendré par l'état cardiaque mais surtout par l'immunodépression liée au traitement corticoïde en rapport avec la maladie dermatologique (que présente mon client)".

De même, l'expert a considéré que "la pose d'un bracelet électronique pose également problème pour deux raisons, savoir, d'une part, le problème cutané en rapport avec la maladie dermatologique et les troubles vasculaires touchant les membres inférieurs et, d'autre part, le risque d'interférence entre le bracelet électronique et le défibrillateur implantable".

Logiquement, le juge de l'application des peines, mettant en oeuvre la jurisprudence constante de la chambre criminelle de la Cour de Cassation considérant que la suspension de peine est également applicable au condamné libre, a suspendu la peine prononcée à l'encontre de mon client.

Toutefois, la juge de l'application des peines, même si elle a suspendu la peine, ce qui est tout à fait salutaire, a néanmoins commis une erreur dans la mesure où elle a prévu que cette suspension était prononcée pour une durée de deux ans à compter de la date de la décision.

Or, comme cela relève du texte (voir ci-dessous), la suspension de peine pour raison médicale, organisée par l'article 720-1-1 du code de procédure pénale, à la différence de la « petite » suspension peine, codifié à l'article 720–1 du même code, est toujours prononcée pour une durée indéterminée.

Nul besoin d'interjeter appel puisque le jugement, étant revêtu de l'exécution provisoire de plein droit, est exécutable dès maintenant et que, par ailleurs, il conviendra de saisir à nouveau le juge de l'application des peines, d'ici une année, afin de faire bénéficier mon client du régime de la « passerelle » prévue par le dernier alinéa de l'article 729 du code de procédure pénale qui permet, au bout d'une année (Initialement trois années, cette durée ayant été ramenée à une année un par la loi du 15 mars 2019), de transformer la suspension de peine pour raison médicale en libération conditionnelle ce, même si le bénéficiaire n'est pas admissible à une telle mesure, n'étant pas arrivé à mi-peine.

Cette nouvelle procédure permettra de suppléer à l'inconvénient résultant de la décision rendue ce jour prévoyant, d'une manière erronée, une suspension de peine pour raison médicale une durée limitée.

CQFD...

Article 720-1-1 du Code de Procédure Pénale :

"Sauf s'il existe un risque grave de renouvellement de l'infraction, la suspension peut également être ordonnée, quelle que soit la nature de la peine ou la durée de la peine restant à subir, et pour une durée qui n'a pas à être déterminée, pour les condamnés dont il est établi qu'ils sont atteints d'une pathologie engageant le pronostic vital ou que leur état de santé physique ou mentale est durablement incompatible avec le maintien en détention.
La suspension ne peut être ordonnée que si une expertise médicale établit que le condamné se trouve dans l'une des situations énoncées à l'alinéa précédent. Toutefois, en cas d'urgence, la suspension peut être ordonnée au vu d'un certificat médical établi par le médecin responsable de la structure sanitaire dans laquelle est pris en charge le détenu ou son remplaçant.
Lorsque la peine privative de liberté prononcée est d'une durée inférieure ou égale à dix ans ou que, quelle que soit la peine initialement prononcée en cas d'urgence ou lorsque la durée de détention restant à subir est inférieure ou égale à trois ans, cette suspension est ordonnée par le juge de l'application des peines selon les modalités prévues par l'article 712-6.
Dans les autres cas, elle est prononcée par le tribunal de l'application des peines selon les modalités prévues par l'article 712-7.
Dans les cas prévus aux troisième et quatrième alinéas du présent article, le condamné peut être régulièrement représenté par son avocat lorsque son état de santé fait obstacle à son audition ; le débat contradictoire se tient alors au tribunal judiciaire.
La juridiction qui accorde une suspension de la peine en application des dispositions du présent article peut décider de soumettre le condamné à une ou plusieurs des obligations ou interdictions prévues par les articles 132-44 et 132-45 du code pénal.
Le juge de l'application des peines peut à tout moment ordonner une expertise médicale à l'égard d'un condamné ayant bénéficié d'une mesure de suspension de peine en application du présent article et ordonner qu'il soit mis fin à la suspension si les conditions de celle-ci ne sont plus remplies. Il en est de même si le condamné ne respecte pas les obligations qui lui ont été imposées en application des dispositions de l'alinéa précédent ou s'il existe de nouveau un risque grave de renouvellement de l'infraction. La décision du juge de l'application des peines est prise selon les modalités prévues par l'article 712-6.
Si la suspension de peine a été ordonnée pour une condamnation prononcée en matière criminelle, une expertise médicale destinée à vérifier que les conditions de la suspension sont toujours remplies doit intervenir tous les six mois.
Les dispositions de l'article 720-2 ne sont pas applicables lorsqu'il est fait application des dispositions du présent article".

samedi 25 avril 2020

La lancinante question de la délimitation entre Police Administrative et Police Judiciaire Ordonnance de référé CAA DOUAI 21 avril 2020

Le 21 avril 2020, la Cour Administrative d'Appel de DOUAI a rendu une décision particulièrement intéressante dans une affaire concernant un jeune migrant Afghan, présent dans la "jungle de Calais" en 2016, qui, en juin de cette année, alors qu'il se trouvait au sein d'un groupe de réfugiés qui avait envahi l'axe routier menant au terminal trans-manche afin de tenter de pénétrer à l'arrière d'un camion ou de s'agripper au-dessous, a été atteint au visage par un projectile de flash ball tiré par les forces de Police appelées afin de rétablir l'ordre.

Saisi par la victime, et après avoir pris possession des procès verbaux établis par l'IGPN, ayant donné lieu, plusieurs années après les faits, à un classement sans suite, j'ai déposé une requête en référé devant le Tribunal Administratif de LILLE, sollicitant une expertise médicale destinée à déterminer le préjudice corporel de mon client.

Le Préfet du Nord a conclu au rejet de ma requête, invoquant l'incompétence du Juge Administratif au profit du juge judiciaire.

En effet, le Préfet a estimé que les policiers se trouvaient dans un cadre de police judiciaire puisqu'une fois arrivés sur place, ils ont constaté une infraction, savoir, l'obstruction des voies de circulation de l'axe routier.

Par voie de conséquence, selon le Préfet, les policiers se trouvaient, non sous son autorité mais sous celle du Procureur de la République.

Contre toute attente, alors que, dans notre mémoire en réponse, nous avions rappelé les déclarations des policiers concernés qui, tous, affirmaient qu'ils avaient été appelés pour maintenir l'ordre, le juge des référés, près le Tribunal Administratif de LILLE  a rejeté la requête, estimant qu'effectivement, dès l'instant où une infraction avait été constatée, les policiers se trouvaient dans un régime de police judiciaire.

Un appel a été inscrit contre cette décision.

Le Préfet s'en est rapporté à ses écritures de première instance.

Le 21 avril 2020, par une Ordonnance, le Juge des référés a annulé l'ordonnance rendue en première instance, estimant :

même si l'occupation des voies publiques constitue un délit, les forces de police ont été dépêchées sur place pour rétablir l'ordre et non constater et réprimer une infraction ; dès lors, s'agissant d'une opération de police administrative, le juge administratif est compétent.

Par ailleurs, dans la mesure où nous invoquions, en première instance, mais également devant la cour, un fondement de responsabilité, basé sur l'article L 211-10 du code de la sécurité intérieure, selon lequel "l'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultants des crimes et délits commis à force ouverte ou par violence par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés contre les personnes ou les biens", le Juge des référés a estimé :

"A ce titre, le juge administratif serait compétent pour apprécier la responsabilité de l'Etat, y compris s'agissant d'un éventuel participant à l'attroupement, alors même qu'auraient été commis des crimes ou délits par les personnes s'étant attroupées".

Ainsi, le Juge considère que, dès qu'il saisi sur le fondement de l'article L 211-10 du CSI, prévoyant un régime de responsabilité sans faute, il se doit de retenir sa compétence, afin de déterminer si la victime faisait ou non partie de l'attroupement, c'est à dire si elle était ou non visée par l'opération de police, condition déterminante pour engager sans faute la responsabilité de l'Etat sur ce fondement.

Enfin, s'agissant du caractère utile de l'expertise sollicitée, le Préfet considérait, qu'il appartenait au requérant, d'une part, de former une demande indemnitaire préalable et, d'autre part,  d'apporter lui-même les éléments permettant de déterminer son préjudice !

Le Juge des référés a fait litière de cet argument en considérant que les seuls moyens qui auraient permis au Préfet de s'opposer valablement à la demande d'expertise aurait de soulever l'irrecevabilité (voir ci-dessus) ou une éventuelle prescription ce qui n'était pas le cas... 

Suite au débat au fond qui s'engagera postérieurement au dépôt du rapport d'expertise...

Je suis très heureux pour mon client....je pense à toutes les souffrances qu'il a endurées avant de se retrouver dans la Jungle de Calais; cette décision ne les effacera bien évidemment pas, mais, au moins, il obtiendra justice... au moins une fois...




La fin du dogme affiché de l’infaillibilité des Agents de l’Administration Pénitentiaire…



Le 10 avril dernier, devant le Tribunal Correctionnel d’EVREUX, comparaissaient, sous le régime de la comparution immédiate, 5 (oui, 5, vous lisez bien) surveillants du Centre de Détention de Val de Reuil, dans l’Eure, prévenus d’avoir commis des violences aggravées sur une personne détenue ainsi que d’avoir rédigé un faux « CRI » (Compte-Rendu d’Incident) afin de couvrir leurs agissements.

Cette affaire est unique à de multiples point de vue.

Tout d’abord, elle est unique car elle témoigne de la vigilance qu’exerce actuellement le Parquet d’Evreux par sa Procureure sur le Centre de Détention de Val de Reuil et, plus particulièrement, sur le comportement des surveillants qui y travaillent.

Ensuite, cette affaire est unique car elle met en lumière ce que les Avocats qui oeuvrent en détention savent depuis longtemps c’est que la Vérité n’est pas toujours du côté des agents de l’Administration Pénitentiaire qui, pourtant, depuis un Décret du 30 décembre 2010, pris en application de la Loi Pénitentiaire du 23 novembre 2009, prêtent serment (voir la formule du serment ci-dessous) , que les personnes détenues ne sont pas systématiquement en train de mentir ou de travestir la réalité et que, lorsque l’une d’entre elles affirme avoir été frappée par un surveillant, il faut s’y reprendre à deux fois avant de balayer ses propos d’un revers de manche.

Au contraire, cette affaire fait apparaître au grand jour la face immergée de l’iceberg, savoir, certaines pratiques des surveillants qui gèrent "à leur façon", la détention, à titre d’exemple,  relative à des fouilles corporelles, dites « à nu », répétées, à tel point qu'elles en deviennent encore plus humiliantes.

De même, il est courant que, lorsque des surveillants maîtrisent une personne détenue, ce qui arrive, bien évidemment, et ce qui n’est pas répréhensible dès lors que les agents pénitentiaires n’utilisent que « la force strictement nécessaire » pour parvenir à leurs fins, il est courant, donc, que leurs rapports mentionnent que le « détenu s’est cogné la tête par terre ou contre les grilles de la cellule etc… ».

Fréquemment, nos client nous assurent qu’en réalité, ils ont été frappés par les surveillants alors qu’ils ne manifestaient plus de résistance, ni de rébellion…

Faute de preuve, il n’est jamais possible de signaler ces faits à la direction de l’établissement pénitentiaire et ces agissements restent impunis…

En réalité, nous nous trouvons face à un dogme, celui de l’infaillibilité des agents de l’Administration Pénitentiaire.

Or, ce dogme vient de voler en éclats grâce à cette affaire d’EVREUX.

Les faits sont les suivants (Afin de respecter le principe de présomption d’innocence, les noms des surveillants ainsi que celui de la victime seront remplacé des lettres) :

Le 7 février 2020, M. X, détenu au centre de détention de Val-de-Reuil agressait à l’aide d’un stylo le surveillant A, au moment de sortir de sa cellule pour se rendre en promenade. 

(NB : Monsieur X sera, d’ailleurs, condamné par le Tribunal Correctionnel d’EVREUX à une peine d’une année d’emprisonnement pour ces faits).

Monsieur X était alors maîtrisé par les surveillants et immédiatement placé en prévention au quartier disciplinaire. 

Monsieur B, 1er surveillant ayant participé à l’opération rédigeait un compte rendu d’incident, curieusement daté du 22 octobre 2019. 

Celui-ci relatait qu’après l’agression de Monsieur A par Monsieur X, ce dernier a refusé de se soumettre aux injonctions, « se débattant avec acharnement ». Monsieur B, rédacteur du Compte Rendu d’Incident, décrivait alors une neutralisation musclée mais réglementaire du détenu, extrêmement violent et vindicatif, se « tapant même la tête contre le sol ». 

Monsieur C, surveillant principal rédigeait également un compte rendu d’intervention reprenant en substance celui de Monsieur B.

Néanmoins, il apparaissait que Monsieur X était sérieusement blessé à l’issue de l’intervention. 

Interrogé par les policiers, il dénonçait l’acharnement quotidien d’un petit groupe de surveillant.  

Il décrivait alors des violences gratuites le 7 février 2020 alors qu’il était menotté au sol, calme. Il dénonçait notamment « un surveillant qui me mettait des coups de pieds sur mon visage » 

Il déclarait ensuite des coups de poings sur son crâne, une forte pression d’un genou sur sa tête, une dreadlock arrachée.  

Monsieur X déclarait aux enquêteurs qu’il a cru mourir, à tel point qu’il a déféqué sur lui.  

Il décrivait ensuite avoir été trainé au quartier disciplinaire par les cheveux, une de ses dread locks étant arrachée, recevant régulièrement des coups de talon d’un des surveillants. 

Une fois au quartier disciplinaire, il dit avoir été intégralement déshabillé, puis laissé sur place, nu, souillé par ses excréments.

Un surveillant ayant participé à l’intervention, Monsieur D, rédigeait un compte rendu à sa hiérarchie le 7 février 2020.  

Il déclarait que les comptes rendus rédigés par les surveillants B et C  étaient totalement faux. 

Il précisait en effet que l’ouverture des portes n’avait pas été faite en régime 2+1, mais par le 
surveillant A, seul.

Il déclarait avoir maitrisé seul Monsieur X et l’avoir ensuite menotté à l’aide de ses collègues ;  il précisait que le détenu n’opposait aucune résistance. 

Monsieur D déclarait ensuite que le surveillant B s’est gratuitement acharné sur Monsieur X, lui portant des coups de pieds au visage après lui avoir violemment maintenu la tête contre le sol avec les genoux. Il rappelait qu’à ce moment-là, le détenu était particulièrement calme 

Il décrivait ensuite le cheminement de Monsieur X jusqu’au quartier disciplinaire, tiré par les cheveux, le surveillant A lui donnant des coups de genoux dans le visage, et Monsieur E, autre surveillant présent, des coups à différents endroits du corps.  

Il déclarait que Monsieur X avait perdu connaissance avant son arrivée au quartier disciplinaire.  

Il expliquait ensuite que le surveillant B a ensuite donné plusieurs coup de pieds dans la tête du détenu lors que celui-ci était au sol, menotté et sans réaction dans la cellule du quartier disciplinaire.  

Le détenu a ensuite été déshabillé par deux autres surveillants, F et G, qui ont déchiré ses vêtements, avant de l’abandonner sous le lit de la cellule. 

Monsieur D confirmait que le détenu avait déféqué sur lui. 

Il déclarait ensuite qu’il avait commencé à rédiger un compte rendu d’incident, lorsque le surveillant, Monsieur B, lui a intimé de cesser la rédaction. 

Monsieur D réitérera ses affirmations en audition devant les enquêteurs. 

Une autre personne détenue dans une cellule attenante à celle de Monsieur X, corroborait les dires du surveillant, Monsieur D, concernant les violences exercés au sein du quartier F1. 

Le 11 février 2020, Monsieur X était examiné par le médecin de la maison d’arrêt de Rouen, suite à son transfert dans cet établissement, qui constatait :

Un hématome sous orbitaire droit modéré 
Un hématome périorbitaire droit conséquent 
Une hémorragie sous conjonctivale de l’œil gauche 
Vision trouble de l’œil gauche 
Oedeme et hématome supérieure et inférieure gauche 
Ecchymose temporale gauche 
Des courbatures nuccales.  

Le 13 février il était examiné par un médecin du CASA qui prescrivait 5 jours d’ITT. Le praticien notait que les lésions de Monsieur X étaient peu compatibles avec une chute ou un choc contre un plan dur ou inerte. 

Les surveillants présents au moment de l’intervention où impliqués dans la rédaction des comptes rendus étaient alors entendus, certains sous le régime de la garde à vue, d’autres sous le régime de l’audition libre. 

Déférés devant le Parquet d’Evreux, les 5 surveillants étaient renvoyés devant le tribunal correctionnel pour violences volontaires avec ITT inférieure à 8 jours, en réunion et par personnes dépositaire de l’autorité publique ; faux et usage de faux en écriture publique, sous le régime de la comparution immédiate.

Ils reconnaissaient les faits, à des degrés divers, certains cherchant à minimiser leur responsabilité mais, ce qu’il faut retenir essentiellement, à notre sens, c’est le fait que le principal mis en cause a reconnu :

Que le CRI qu’il a rédigé était faux.

Qu’il a demandé à un de ses collègues, la rédaction d’un faux Compte Rendu d’Incident, lui intimant « de faire comme d’habitude et de dire qu’il s’était fait mal tout seul » 

Avoir infligé des coups de poings, au moment où il a empoigné Monsieur X, puis lui avoir claqué deux fois la tête contre le sol, lui avoir asséné des coups de talon au visage en lui tirant les cheveux pendant le trajet le menant au QD, puis avoir infligé quatre ou cinq gifles à ce dernier une fois au QD. 

Avoir poussé le détenu sous le lit de la cellule du QD, alors même que selon Monsieur E, cette pratique n’est plus en vigueur. 

Il reconnait avoir été motivé par la seule vengeance « je voulais que nous lui fassions mal » 

Avoir persuadé le détenu qu’il n’avait pas besoin de consulter le médical.

Les autres mis en cause admettaient globalement les faits de violence commises sur Monsieur X, l’un d’eux admettant avoir rédigé un faux compte rendu professionnel « pour se faire bien voir » de sa hiérarchie. 

Le Tribunal Correctionnel d’EVREUX a rendu sa décision le soir même.

Plusieurs peines d’emprisonnement ont été rendues, certaines d’entre elles comportant une partie ferme ainsi que plusieurs interdictions définitives d’exercer le métier de surveillant ; enfin, le Tribunal, pour certains prévenus, a fait droit à leur demande d’exclusion de la condamnation du Bulletin n° 2 de leur casier judiciaire.

Le Procureur Général a interjeté appel de ce dernier point, les prévenus également, l’un d’entre eux, uniquement, s’agissant du volet civil de sa condamnation ce qui permet de considérer qu’il se reconnaît coupable sur le plan pénal ; le Parquet d’Evreux, ensuite, la partie civile, enfin, a également interjeté appel incident de façon à avoir voix au chapitre lors de l’audience d’appel qui devrait avoir lieu dans les prochains mois, les délais, en matière de de comparution immédiate étant contraints.

Au-delà de la décision définitive qui sera rendue, à l’issue de l’instance d’appel, il est primordial de constater que des pratiques détestables sont apparues au grand jour, pratiques dont il est permis de penser qu’elles durent depuis longtemps.

Il aura fallu le courage d’un surveillant intègre, comme heureusement, il y en certainement beaucoup, pour oser braver les pressions de ses collègues et dénoncer leurs agissements.

Il est également symptomatique de constater que le Parquet, par la voix de son représentant, à l’audience, a reconnu, faisant ainsi preuve d’une très grande honnêteté intellectuelle, qu’il avait fallu qu’un surveillant dénonce ses collègues pour que la parole de la victime soit prise en compte…espérons que, dorénavant, les personnes détenues qui déposeront plainte, suite à de tels faits, seront plus écoutées…

Il reste que Monsieur X a été sanctionné par la Commission Disciplinaire de la maison d’arrêt de Rouen, suite à son transfert, condamné à une lourde peine de quartier disciplinaire, sur la base du faux Compte Rendu d’Incident rédigé par le surveillant, Monsieur B.

Le Directeur Interrégional des Services Pénitentiaires de RENNES a rejeté le recours déposé par Monsieur X, par son Avocat, sur la base d'un faux Compte Rendu d'Incident.

Bien pire, depuis le 7 février 2020, grâce au rapport rédigé par le surveillant, Monsieur D, la hiérarchie du Centre de Détention de Val de Reuil était informée du caractère mensonger du Compte Rendu d'Incident, qu'une enquête avait été réalisée et les 5 mis en cause déférés devant le Parquet d'EVREUX et traduit devant le Tribunal Correctionnel.

Malgré cela, la Directrice Interrégionale des Services Pénitentiaires, sans la moindre vergogne, validant ainsi la version mensongère du rédacteur du faux CRI, a maintenu que Monsieur X, "a été menaçant et agressif durant toute l'intervention" alors qu'immédiatement après avoir, certes, agressé le surveillant A, (parce qu'il refusait une palpation à ses yeux injustifiée) était resté calme et n'avait pas opposé la moindre résistance, subissant les coups multiples qui lui étaient portés.

De même, la Directrice Interrégionale maintenait, de façon totalement erronée, que le comportement menaçant de Monsieur X avait perduré puisque le dit comportement "a nécessité deux transfèrement depuis la commission des faits le 7 février dernier".

Cette affirmation est totalement fausse et procède d'une particulière mauvaise foi!

En effet, il est constant que Monsieur X a effectivement été transféré vers la maison d'arrêt de ROUEN, le jour même des faits puisque sa mise en prévention a été poursuivie dans ce nouvel établissement, la commission de discipline statuant le 11 février suivant, le sanctionnant de 30 jours de quartier disciplinaire.

Toutefois, dans la mesure où le statut pénal de Monsieur X exige qu'il soit détenu dans un établissement pour peine, il a dû obligatoirement être affecté vers un établissement de ce type.

A aucun moment, le transfert de Monsieur X vers le Centre Pénitentiaire de Rennes Vezin n'a été dicté par un comportement menaçant ou perturbateur au sein de la maison d'arrêt de ROUEN; si cela avait été le cas, il aurait, sans nul doute, à nouveau comparu devant la Commission disciplinaire.

La décision de la Directrice Interrégionale sera bien évidemment soumise à la censure du Tribunal Administratif de ROUEN!

Monsieur X a donc été transféré dans un autre établissement pour peine, savoir, le  centre pénitentiaire de RENNES-VEZIN où, placé à l’isolement, il subit toujours des brimades de la part des surveillants.

L’Administration Pénitentiaire, par ses surveillants, a la mémoire longue…l’esprit de corps joue à plein…faut-il rappeler les propos de Monsieur B, principal mis en cause dans cette affaire, durant sa garde à vue, lorsque, reconnaissant les faits de violence, il expliquera :

« Non, c’est juste de la solidarité, un collègue a été agressé, le détenu a « mangé » un peu donc par solidarité envers (mon collègue) blessé et moi qui n’a pas laissé passer l’agression, les autres surveillants ont dit la même chose que sur le compte-rendu »

« Le détenu a eu mal »

Question : « Où lui portez-vous des coups de talons ? »
Réponse : « au visage »
Question : Pour quelle raison ?
Réponse : « Colère et vengeance »

 Nous ne pensons pas, en définitive, que le fait d’imaginer que les surveillants Rennais éprouvent également ce même esprit de solidarité envers leur(s) collègue(s) de Val de Reuil soit exagéré et que Monsieur X mente lorsqu’il dénonce ces brimades qui perdurent.

Nous avons en tête la situation de cette autre personne détenue également à Val de Reuil, qui, témoin dans une affaire de trafic mettant en cause des détenus mais également des surveillants de cet établissement, a été reconduit dans celui-ci immédiatement après son audition par le SRPJ de ROUEN, et ait fait l’objet de menaces, fouilles à nu répétées et totalement injustifiées au point de le voir commettre, par désespoir, des auto mutilations jusqu’à ce qu’il obtienne, de nombreuses semaines plus tard, son transfert vers un autre établissement pour peine de la région où les mêmes brimades perdureront jusqu’à son transfert vers un autre établissement extérieur à la région.

Faut il rappeler la motivation de cet arrêt rendu par le Conseil d’Etat, le 17 décembre 2008 (N°305594, Publié au recueil Lebon) : 

« Considérant qu'en vertu d'un principe rappelé notamment par la première phrase de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aux termes de laquelle le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi, qu'eu égard à la vulnérabilité des détenus et à leur situation d'entière dépendance vis à vis de l'administration, il appartient tout particulièrement à celle-ci, et notamment au garde des sceaux, ministre de la justice et aux directeurs des établissements pénitentiaires, en leur qualité de chefs de service, de prendre les mesures propres à protéger leur vie".

Jamais la motivation retenue dans cet arrêt fondamental, rendu, il est vrai, dans un espèce différente, n’avait pris autant de sens…


Le serment des surveillants de l'Administration Pénitentiaire : "Je jure de bien et loyalement remplir mes fonctions et d'observer les devoirs qu'elles m'imposent dans le strict respect des personnes confiées au service public pénitentiaire et de leurs droits. Je m'engage à me conformer à la loi et aux ordres reçus et à ne faire qu'un usage légitime des pouvoirs qui me sont confiés".
Décret du 30 décembre 2010.