Ci-dessous la retranscription de la motivation d'un arrêt rendu par la chambre de l'application des peines de Paris le jeudi 27 février 2014, confirmant un jugement rendu par le tribunal de l'application de Paris qui avait ordonné la levée du placement sous surveillance électronique mobile (PSEM) qui avait été ordonné, dans le cadre d'une mesure de surveillance judiciaire, par le tribunal de l'application des peines de Versailles.
Comme cela avait été plaidé par votre serviteur, la mesure
de PSEM, présentée officiellement comme facilitant la réinsertion, tout en
constituant un dispositif « cadrant », constitue, en réalité, un outil de
désinsertion, du fait, d'une part, de la surveillance constante qu'il implique,
de la stigmatisation vis-à-vis d'autrui du fait de l'apparence visible du
dispositif et, d'autre part, en raison des problèmes techniques multiples et constants
qu'il rencontre.
La cour a ainsi motivé sa décision :
« S'il est manifeste que la réinsertion a condamné qui a exécuté
une importante période de détention est un processus long, délicat et fragile,
il convient que l'encadrement mis en place, certes dans un but de prévention de
la récidive, n'ait pas un effet inverse à celui recherché…
Toutefois, le PSEM a montré qu'il pouvait avoir un impact négatif
sur l'insertion professionnelle du condamné, comme sur la construction d'un
étayage familial et social sécurisant, ces deux éléments constituants des
points d'ancrage essentiels de nature à aider le condamné dans son évolution et
par là, a réduire encore sa dangerosité ainsi que l'ont noté les différents
experts et plus récemment le médecin coordonnateur en charge du contrôle du
suivi de l'injonction de soins.
Les problèmes techniques de paramétrage auxquels il n'a pu être
remédié, font que des alarmes intempestives se déclenchent plusieurs dizaines
de fois par jour sans qu'il y ait violation des horaires et lieux d'assignation
dès que le condamné se retrouve dans un bâtiment ou en limite de zone. Ainsi
que la cour a pu elle-même constater, le déclenchement de l'alarme s'est
produit à l'occasion de la comparution de Monsieur X à l'audience.
Dès lors, il ne peut être sérieusement contesté que le déclenchement de
cette alarme, notamment à l'occasion des
entretiens d'embauche qu'il a pu obtenir, ne pouvait que faire obstacle à ce que
le condamné puisse les réussir et obtenir un emploi stable et que le relatif
échec de ses recherches d'emploi ne résulte pas uniquement du profil et de
l'âge du condamné.
Plus encore, l'équipe éducative du foyer, confirmant en cela les propos
de Monsieur X, a souligné que ces mêmes difficultés techniques tendent à
confiner le condamné dans sa chambre du foyer sans lui permettre de tisser de
véritables relations sociales au sein de la structure et de s'intégrer à la vie
collective du foyer, celui-ci ne pouvant se rendre dans les salles communes
sans que l'alarme ne se déclenche.
De la même façon, le PSEM l'empêche de tisser des liens plus étroits
avec sa famille proche qui vit en banlieue parisienne, rendant plus difficiles
les rencontres avec celle-ci.
Ainsi, Monsieur X, qui a démontré sa réelle volonté de s'intégrer et
de faire sa vie loin de ses anciennes fréquentations et des lieux où il a
commis les faits pour lesquels il a été condamné, se voit limité dans ses
efforts et isolé socialement par le PSEM.
Or, le dispositif mobile tel qu'il est envisagé dans le cas de Monsieur
X n'apporte pas de véritable valeur ajoutée à la surveillance judiciaire mise
en place en ce qu'il permet simplement de vérifier le respect des horaires d'assignation
au foyer mais lui laisse sur la journée une grande marge de manœuvre s'il reste
sur … et dès lors qu'il n'est pas apparu nécessaire de l'interdire de
fréquenter ou de s'approcher de lieux particuliers susceptibles de favoriser la
récidive.
Certes, le contrôle permanent de la localisation du condamné par le
biais du PSEM constitue une réelle garantie contre le risque de récidive mais
cet effet positif est contrebalancé par le fait, qu'en l'espèce, il l’empêche
de réussir sa réinsertion socio-professionnelle qui, à moyen terme, constitue
le gage le plus efficace de prévention de la récidive »
Ainsi donc, par cette décision, la Chambre de l'Application
des Peines près la Cour d'Appel de Paris, confirmant le tribunal de
l'application des peines de cette ville, prend acte de l'impact
particulièrement négatif du dispositif de surveillance électronique mobile sur
la réinsertion des personnes qui y sont soumises en ce qu'il entrave
considérablement, à la fois les relations avec autrui mais également la
réinsertion socioprofessionnelle proprement dite.
Cette situation n'est pas la première que j'ai eue à
connaître et, dans une autre procédure, la chambre de l'application des peines
de Paris a également ordonné la levée d'un placement sous surveillance
électronique mobile en motivant sa décision sur le fait qu'il s'agissait d'un
véritable « carcan », totalement contraire aux objectifs de prévention de la
récidive dont il est affirmé que celle-ci passe de façon quasi exclusive par la
réinsertion socio-professionnelle.
Il est donc, dès lors, particulièrement regrettable que ce
dispositif, issu de la loi du 12 décembre 2005, et intégré à l'ensemble du
dispositif des mesures de sûreté par la loi du 25 février 2008, intégré dans le
code de procédure pénale sous les articles 706-53-13 et suivants, ne figure pas
dans le projet de réforme pénale de Madame le Garde des Sceaux.