samedi 23 juin 2012

Pas d'interview en prison : la Suisse condamnée‏ par la CEDH le 21 juin 2012

http://www.arretsurimages.net/vite.php?id=14075

Cet arrêt rendu le 21 juin 2012 par la Cour Européenne des Droits de l'Homme tombe à pic alors que, le 5 juillet prochain, sera plaidé le recours pour excès de pouvoir déposé par la réalisatrice et les producteurs du film "le Déménagement" demandant l'annulation des refus successifs opposés à la diffusion du film relatant le déménagement de l'ancienne maison d'arrêt de RENNES vers le nouveau centre pénitentiaire de RENNES-VEZIN et dans lequel les personnes détenues, qui ont donné leur accord à cette fin, apparaissent à visage découvert, non flouté.

Est en jeu ici, et c'est ce qu'a jugé la CEDH, la question de l'expression de la volonté des personnes détenues, de leur droit d'expression et, enfin, de leur droit à disposer librement de leur image dès lors que ne sont pas en jeu les critères posés par la Loi Pénitentiaire.

Dans l'espèce jugée par la Cour de Strasbourg, la détenue concernée avait aussi donné son accord à cette interview filmée.

Justice : Christiane Taubira veut autoriser les «class actions»; lors de cet entretien, elle aborde la question de la rétention de sûreté, des peines plancher et du timbre de 35 €



Place Vendôme (Paris Ier), lundi. Christiane Taubira, la garde des Sceaux, estime que « les peines planchers partent du principe que la prison est un outil antirécidive. C’est faux : dans les cinq ans qui suivent un jugement, ceux qui étaient incarcérés récidivent dans 63% des cas. Le tout-carcéral ne marche pas ».


Au milieu des berlines de luxe, une étrange bicyclette jaune s’extrait de la circulation. Comme tous les matins, Madame la ministre traverse la place Vendôme à vélo, presque incognito, suivie par ses officiers de sécurité. Un mois après sa nomination à la tête du ministère de la JusticeChristiane Taubira sort de son silence.
Cible d’un tir groupé de l’UMP après sa décision de supprimer les tribunaux correctionnels pour mineurs, elle a pris le temps de rencontrer les représentants des professions judiciaires, et lancé ses premiers chantiers. Elle nous a accordé son premier entretien.

Quel constat faites-vous de la justice en France ?
CHRISTIANE TAUBIRA. C’est un grand service public abîmé. Les gouvernements précédents ont empilé les textes de loi sans aucun souci de cohérence. Ils ont stigmatisé les jeunes, soi-disant responsables de tous les maux. Ils s’en sont aussi pris aux magistrats, taxés de laxisme. Les chiffres montrent que c’est faux : en dix ans, le nombre de peines de prison ferme a augmenté de 16%, et leur durée moyenne est passée de huit à dix mois.

Quels principes guideront votre action ?
L’efficacité. Il faut mettre fin à l’inflation législative. Je veux travailler dans le sens d’une justice plus cohérente, plus lisible. Mon approche n’est pas idéologique : les mesures seront ajustées en fonction des remontées du terrain. Ce qui fonctionne sera maintenu et ce qui doit être amélioré le sera. Je souhaite aussi et surtout une justice plus proche des citoyens.

Comment y parvenir ?
Il faut aller vers plus de simplicité. Nous avons par exemple l’intention de permettre les actions de groupe (NDLR : aussi appelées class actions) : cette procédure autorise les actions en justice à plusieurs pour que la réparation de petits litiges soit effective. Nous avons aussi engagé une réflexion sur les compétences des juridictions, notamment celles qui s’occupent des affaires sociales. Il y a beaucoup d’interlocuteurs différents, peut-être trop. Nous sommes conscients du frein que peut représenter la taxe de 35 € obligatoire pour les procédures civiles, qui a restreint l’accès à la justice. Nous étudions des solutions alternatives de financement car cette taxe alimente le budget de l’aide juridictionnelle.

Votre décision de supprimer les tribunaux correctionnels pour mineurs a provoqué un tollé à droite…
Il ne faut pas faire de ces tribunaux un emblème. Ils ont été créés il y a moins d’un an, et seules 65 affaires y ont été jugées. Les peines prononcées ont été équivalentes, voire plus clémentes que dans un tribunal pour enfants « classique ». En revanche, ils ont désorganisé le fonctionnement des juridictions. Là encore, ma démarche n’est pas idéologique, mais purement pragmatique.

Faut-il revoir l’ordonnance de 1945 sur la justice des mineurs ?
Ce texte a été réformé 23 fois depuis son adoption. Je veux rester fidèle à son principe fondamental : il n’y a pas de refus de la sanction mais elle doit avoir un objectif éducatif. Cela passe par davantage d’éducateurs. Trop de postes ont été supprimés depuis cinq ans. Pour moi, les effectifs d’éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse sont une priorité absolue. Il faut aussi raccourcir les délais de jugement, car, à ces âges, le risque de récidive rapide est grand. Enfin, le juge doit disposer d’un plus large éventail de réponses à apporter en fonction du parcours et de la situation du mineur. La prison doit rester une option, mais elle favorise la récidive. En milieu ouvert, le taux de non-récidive est de 80%.

La promesse de Hollande de supprimer les peines planchers sera-t-elle tenue ?
Bien sûr. Il n’y a aucune ambiguïté. Cette réforme législative trouvera sa place dans le calendrier gouvernemental. Les peines planchers partent du principe que la prison est un outil antirécidive. C’est faux : dans les cinq ans qui suivent un jugement, ceux qui étaient incarcérés récidivent dans 63% des cas, contre 39% pour ceux en liberté conditionnelle. Le tout-carcéral ne marche pas. Il faut développer les alternatives à la prison, comme les peines de probation, le bracelet électronique ou les travaux d’intérêt général. C’est ce qu’ont fait beaucoup de nos voisins européens, avec succès. De cette manière, on lutte à la fois contre la surpopulation carcérale et le risque de récidive. Cela étant, lorsqu’une peine de prison s’impose, elle doit être prononcée.

Policiers et magistrats s’opposent régulièrement. Comment les réconcilier ?
On a instrumentalisé une défiance qui ne devrait pas exister. Chacun a une mission bien définie qui doit être respectée : les policiers recherchent les auteurs d’infraction et les interpellent, les magistrats dirigent les enquêtes, examinent les faits et prononcent un jugement.

Faut-il supprimer la rétention de sûreté, qui permet de garder en détention les criminels les plus dangereux après la fin de leur peine ?C’est une loi mal rédigée et sa suppression est un engagement de campagne de Hollande. Mais il faut prendre en charge ces criminels de façon différente : c’est une question qui nécessite une remise à plat des dispositifs de suivi déjà existants.

Comment garantir une justice plus indépendante ?
Ce sujet mérite que l’on prenne le temps de la réflexion. Et je m’inscris pour cela dans la durée. J’ai du temps devant moi. Ce qui est sûr, c’est que je refuserai toute intervention du ministère dans les dossiers individuels. Les informations qui remonteront des tribunaux seront purement techniques, pour nous aider à orienter notre politique pénale. Quant à la réforme du statut pénal du chef de l’Etat, nous sommes déjà en train d’y travailler.

Rien de ce qui a été fait par Sarkozy ne trouve grâce à vos yeux ?
Je ne suis pas dans l’opposition de principe. La réforme de la carte judiciaire était nécessaire, même si elle a été menée sans concertation. J’ai demandé un état des lieux afin de procéder à des ajustements si besoin. Quant aux citoyens assesseurs dans les tribunaux correctionnels, je maintiens l’expérimentation initiale sans l’étendre. Elle ira à son terme et nous procéderons à une évaluation.

Votre nomination et vos premiers pas de garde des Sceaux se sont accompagnés de critiques virulentes. Que répondez-vous ?Je pense que ça en dit plus sur ceux qui profèrent ces attaques que sur celle qui les reçoit. L’excès, l’outrance, la mauvaise foi… J’ai déjà connu tout ça lorsque j’étais parlementaire. Je ne vais pas arrêter de travailler, de rire, d’aimer la vie. Ceux qui veulent hurler sont libres de le faire.

mercredi 20 juin 2012

14 juin 2012 : condamnation de l'Etat par le Tribunal Administratif d'Orléans à raison des conditions de détention d'une personne âgée de 72 ans au sein de la maison d'arrêt de TOURS



http://www.lemonde.fr/societe/article/2012/06/19/l-etat-condamne-pour-des-conditions-de-detention-indignes_1721268_3224.html

Le juge des référés d'Orléans, dans cette décision, pour la première fois, utilise la notion de service public pénitentiaire que je soutiens régulièrement dans mes recours.


Le juge estime ainsi : "Monsieur X est fondé à soutenir que ses conditions de détention ont caractérisé un manquement aux règles d'hygiène et de salubrité et n'assuraient pas le respect de sa dignité, sans que les contraintes qui pèsent sur le service public pénitentiaire soient, en l'espèce, suffisantes pour exonérer, même partiellement, l'Etat de sa responsabilité..."


Cette notion implique, à la charge de l'Etat, toute une série d'obligations (respect de la dignité, de l'intégrité physique, sexuelle et morale) et l'insuffisance de moyens ne peut, en aucune façon, être opposée à la personne détenue pour lui faire accepter la situation qui lui est faite.

dimanche 3 juin 2012

23.05.2012 Proposition de loi-abolition rétention de surete


Cette proposition de Loi sénatoriale représente un réel espoir de voir enfin revenir notre procédure pénale vers plus d'humanité.

Dommage qu'il ne s'agisse "que" d'une proposition de Loi ; toutefois, compte tenu des échéances électorales à venir, il ne pouvait en être autrement...quoique...notre nouvelle Garde des Sceaux a déjà pris des initiatives très encourageantes, suscitant des réaction de haine de la droite qui crie au laxisme d'une façon totalement irrationnelle.

La période qui s'ouvre depuis le 6 mai, paradoxalement, est risquée.

En effet, jusqu'où une éventuelle nouvelle majorité parlementaire de gauche ira t'elle dans le "détricotage" des lois liberticides votées depuis maintenant 10 années, ce, alors que la gauche n'a pas de véritable projet de politique pénale?

Revenir sur les tribunaux correctionnels pour mineurs, sur les peines planchers, c'est très bien, mais est ce suffisant ?

Ne faudrait il pas réfléchir sur les comparutions immédiates, pourvoyeuses pléthoriques de mises sous écrou ?

En aval, il est important de noter que la suppression de la rétention de sûreté et de tout l'arsenal des mesures de sûreté ne figurait pas au programme de François HOLLANDE (d'où la proposition de loi sénatoriale).

Que faut il en déduire ?

Lorsque le nouveau Président déclare qu'il veillera à ce que toutes les peines de prison soient exécutées, ne parle t'il que de l'enfermement ou pense t'il aussi aux aménagements "ab initio" qui représentent aussi une modalité d'exécution de la peine?

Il faut l'encourager dans la voie qu'il semble avoir prise mais aussi l'inviter à réfléchir plus avant, à prendre des risques, à ne pas céder à la tentation du populisme sécuritaire.

La loi du 10 août 2011 est à abroger dans sa totalité; en effet, certaines de ses dispositions constituent un véritable obstacle à l'application des peines, elle contraint tous les candidats à un aménagement de peine à subir, pour la plupart, un stage au sein d'un centre national d'évaluation ainsi qu'une période allant d'un à trois ans avec un bracelet électronique ou sous le régime de la semi liberté.

Ce texte est totalement inadapté pour les personnes âgées et/ou handicapées et constitue, en outre, un frein à l'application des dispositions de la loi du 24 novembre 209 dite "Loi Pénitentiaire" qui prévoit que les personnes âgées de plus de 70 ans peuvent obtenir une libération conditionnelle sans condition de délai dès lors que leur prise en charge est organisée et qu'il n'existe aucun risque grave de réitération de l'infraction ou de trouble à l'ordre public.

Ces dernières, même pour une conditionnelle médicale, doivent subir les conditions particulièrement contraignantes de cette Loi ; ainsi, il lui sera préférée la procédure de suspension de peine pour raison médicale, pourtant subsidiaire à la libération conditionnelle médicale pour des raisons liées, d'une part, à la longueur de la procédure et, d'autre part, eu égard au fait que la libération conditionnelle a une fin, celle de la peine alors que la suspension de peine, comme son nom l'indique, n'en a pas, sinon, soit le décès du bénéficiaire, soit son retour en détention.

Il apparaît donc que les textes sont votés sans cohérence les uns avec les autres, les plus récents contrariant les plus anciens, comme l'exemple évoqué ci-dessus.

Un énorme travail de toilettage est donc à opérer qui ne pourra se faire sans une réflexion globale...

http://www.senat.fr/leg/ppl11-551.html


N° 551

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 mai 2012

PROPOSITION DE LOI

visant à supprimer la rétention et la surveillance de sûreté,

PRÉSENTÉE

Par Mmes Nicole BORVO COHEN-SEAT, Éliane ASSASSI, M. Christian FAVIER, Mme Marie-France BEAUFILS, MM. Michel BILLOUT, Éric BOCQUET, Mmes Laurence COHEN, Cécile CUKIERMAN, Annie DAVID, Michelle DEMESSINE, Évelyne DIDIER, MM. Guy FISCHER, Thierry FOUCAUD, Mme Brigitte GONTHIER-MAURIN, MM. Robert HUE, Gérard LE CAM, Michel LE SCOUARNEC, Mmes Isabelle PASQUET, Mireille SCHURCH, MM. Paul VERGÈS et Dominique WATRIN,

Sénateurs

(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Sous prétexte de lutter contre la récidive, la loi a imposé ces dernières années, des législations de plus en plus répressives et attentatoires aux libertés publiques. La rétention de sûreté, mise en place à la hâte, est l'une des dispositions répressives emblématique de cette manière de légiférer, sans recul et dans l'émotion, à laquelle la majorité précédente nous a habitué.

Cette disposition a instauré une privation de liberté nouvelle, qui, c'est totalement inédit dans notre droit positif, s'applique à des condamnés ayant pourtant purgés leurs peines. Faisant abstraction d'un lien de causalité entre un fait matériel et un préjudice, l'enfermement y est autorisé sur un simple pronostic reposant sur la présomption de dangerosité criminologique.

Cette véritable « justice de sûreté » procède d'une philosophie de l'enfermement manifestement contraire à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui proscrit toute forme de détention hors les cas prévus par l'article 5. Elle met à mal les principes même de responsabilité pénale et de présomption d'innocence, en instaurant une présomption de dangerosité suffisante à incarcérer un individu alors même qu'il n'a pas commis de crime, sinon celui pour lequel il a déjà purgé une peine.

Saisi, le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2008-562 DC du 21 février 2008, a estimé que la rétention de sûreté ne constitue pas une peine, ni même une sanction et a validé cette disposition. Il retient en ce sens que la cour d'assise ne prononce pas véritablement cette mesure, mais se borne « à la rendre possible dans le cas où ». Il ajoute que c'est alors la juridiction régionale de la rétention de sûreté, qui en réalité prononce cette rétention et ne se fonde pas pour cela sur la culpabilité mais sur la dangerosité de la personne.

Cette décision est critiquable.

S'agissant du prononcé de la mesure tout d'abord, c'est bien la cour d'assise, celle-là même qui retient la culpabilité, qui conditionne son prononcé ultérieur, comme le relève d'ailleurs de manière contradictoire le Conseil constitutionnel dans sa décision.

S'agissant du concept de dangerosité, ensuite, outre qu'il contribue à une grave confusion entre délinquance et maladie mentale, il ne fait l'objet d'aucune définition. Son application est forcément arbitraire et porte gravement atteinte à la présomption d'innocence.

On peut donc s'étonner de cette décision, d'autant que le Conseil avait en 2005 validé la surveillance judicaire des personnes dangereuses, précisément parce que sa durée était limitée à celle des réductions de peine obtenues, en sorte que la durée maximale de l'enfermement ne dépassait pas celle de la peine. Il n'a cette fois pas été choqué par des incarcérations à vie postsentencielles.

Ainsi, la rétention de sûreté doit être abolie parce que, malgré ce qu'en dit le Conseil constitutionnel, elle constitue une peine d'élimination préventive synonyme de mort sociale et susceptible de graves dérives. Mais aussi parce qu'elle implique un pronostic arbitraire de la dangerosité dont les contours ne peuvent être clairement définis ni par les psychiatres ni par les juristes. Enfin parce qu'elle témoigne du renoncement des pouvoirs publics à faire de la prison un temps utile à la prévention de la récidive et à la réinsertion. En effet, en refusant de porter les efforts humains et financiers sur le temps de la peine, ce texte a fait le choix de ne pas améliorer la prise en charge des détenus durant l'incarcération.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Les articles 706-53-13 à 706-53-22 du code de procédure pénale sont abrogés.