En 2006, Olivier Tranquille, un Gros-mornais de 32 ans, était retrouvé pendu dans sa cellule à la prison de Liancourt (Oise). Sa mère et sa soeur viennent d'obtenir gain de cause. La cour administrative d'appel de Douai a reconnu la responsabilité de l'Etat dans ce décès.
Cinq ans après la mort de son fils, Olivier Tranquille dit « Popè » , Rosange Prajet va pouvoir commencer son deuil. Vendredi dernier, elle a appris que le 8 décembre la cour administrative d'appel de Douai avait reconnu « une faute de l'administration pénitentiaire de nature à engager la responsabilité de l'État » et condamné ce dernier à les indemniser, sa fille et elle. L'année dernière cette mère exprimait sa douleur dans notre journal : « Depuis ce jour-là, je ne suis pas bien du tout, je vis dans l'angoisse, je ne dors plus, je sors parce qu'il faut sortir mais ce n'est pas facile... » Elle exprimait aussi sa détermination : « J'aimerais que justice soit faite. Je suis seule avec cette affaire, je voudrais enfin entrevoir la lumière... » .
DES APPELS AU SECOURS SANS RÉPONSE
Le 24 mars 2006, Olivier Tranquille avait été retrouvé pendu dans sa cellule. L'administration pénitentiaire avait alors conclu au suicide, mais pour Rosange Prajet, la mort de son fils est suspecte. Incarcéré pour des faits de violence avec arme, il purgeait une peine de 12 mois ferme. Père de trois enfants, il était libérable trois semaines plus tard.
La veille de sa mort, il avait eu une altercation avec un surveillant. Il s'était plaint d'avoir payé sa cantine et de n'avoir rien reçu. Après avoir été « maîtrisé » par une équipe de surveillants, il avait été transféré au CHU pour soigner ses blessures. Dès son retour de l'hôpital, Olivier Tranquille était conduit au « mitard » et refusait de s'alimenter. Se plaignant de douleurs au bras, il sollicitait un médecin à plusieurs reprises. En vain. Sur les murs de la cellule où il est retrouvé pendu, il a inscrit « J'ai assez subi des magouilles de la justice. J'ai appelé plein de fois en vain » .
Dans son arrêt, la cour administrative d'appel de Douai estime que l'administration pénitentiaire a commis des fautes, essentiellement en ignorant « les appels répétés à l'aide de M. Tranquille, d'autant que ce dernier avait entamé une grève de la faim, la veille au soir... Des dysfonctionnements qui n'ont pas permis d'éviter le suicide » .
- Une prison neuve aux pratiques d'un autre temps...
Ouverte en 2004, la prison de Liancourt était loin d'être l'établissement modèle présenté par le ministère de la justice. Les nombreuses dérives commises par une poignée de sur veillants ont été révélées en 2007 par la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), suite à cinq plaintes dont celle de Rosange Prajet et sa fille. La CNDS dressait un portrait accablant de la prison de Liancourt. Entre mai 2005 et novembre 2006, une poignée de sur veillants auraient organisé, avec la complicité du directeur adjoint, une série de tabassages, d'humiliations, de sévices envers les détenus. L'issue la plus grave de ces dérives aura été la mort d'Olivier Tranquille. La CNDS considère « fort probable que c'est délibérément que les professionnels de santé et la direction, à même d'évaluer la situation et de sortir ce détenu en détresse du quartier disciplinaire, ont été tenus à l'écart » .