lundi 30 janvier 2012

Les plaidoiries du concours 2012 !!

http://www.memorial-caen.fr/portail/images/recueil-avocats-2012.pdf

Sarkozy et les victimes : leçon de populisme pénal appliqué



Un article très affûté de mon amie Laure Heinich Luijer sur le "président des victimes"


Si Nicolas Sarkozy était vraiment le président des victimes, il penserait à elles, par exemple, en abaissant le seuil d'incapacité temporaire totale à partir duquel on peut saisir la commission d'indemnisation des victimes d'infractions ou élargir le champ des infractions ouvrant indemnisation devant cette commission !

Là, il pourrait dire qu'il a aidé les victimes !

Le fonds de garantie peut, à mon sens, amortir cette réforme !

Il faut dire qu'il lui reste peu de temps !!

A bon entendeur !!

L'Etat condamné pour les conditions de détention à la prison de La Santé La justice a octroyé lundi des dommages et intérêts à trois détenus de cette prison parisienne, qui avaient été déboutés par le tribunal administratif en première instance.




Vue aérienne de la maison d'arrêt de la Santé, à Paris, le 20 juillet 2010 (Photo Boris Horvat. AFP)


Quatre détenus par cellule de 12 m2, WC dans un coin de la pièce: les conditions de détention à la maison d'arrêt parisienne de La Santé viennent d'être sanctionnées par la justice, qui a octroyé des dommages et intérêts à trois détenus, a-t-on appris lundi de source judiciaire.
Dans les trois dossiers, portés par Me Etienne Noël, administrateur de l'Observatoire international des prisons (OIP), la cour administrative d'appel de Paris a condamné l'Etat à verser à chacun des détenus une provision de 1 500 euros pour le préjudice subi. En première instance, le tribunal administratif les avait déboutés.
«Après Douai, Marseille, Lyon, Bordeaux... il se crée bel et bien une jurisprudence au niveau des cours d'appel», s'est félicité Me Noël, habitué des combats pour une amélioration des conditions de détention dans les prisons françaises. C'est la première fois qu'il obtient des condamnations de l'Etat concernant La Santé. Dans tous les cas, les détenus ont occupé à plusieurs reprises des cellules collectives d'environ 12 m2, partagées avec trois autres prisonniers.
«Eu égard à l'exiguïté et à la sur-occupation des cellules, le détenu ne peut être regardé comme ayant bénéficié d'un espace minimal lui permettant de se mouvoir normalement», a constaté la cour dans ses arrêts rendus le 12 janvier.
De plus, «le cloisonnement incomplet des toilettes dans ces cellules ne garantit pas un minimum d'intimité» et «ces lieux d'aisance situés au sein de la pièce servant à la prise des repas sont démunis d'un système d'aération spécifique».
Pour la cour administrative d'appel, ces conditions de détention portent «atteinte à la dignité humaine». Elles ne respectent ni la convention européenne des droits de l'Homme, ni la loi pénitentiaire ou le code de procédure pénale.
Pour sa défense, le ministère de la Justice avait rappelé que la maison d'arrêt de La Santé devait être «complètement reconstruite» et faisait l'objet de«lourds travaux d'entretien». Peut-être, a commenté l'avocat, mais «pour ce qui est du passé et du présent, il y a une atteinte à la dignité des personnes».

samedi 28 janvier 2012

Les usines carcérales déshumanisent le prisonnier et le personnel pénitentiaire



Par Céline Verzéletti, secrétaire générale de la CGT Pénitentiaire
A chaque fait divers dramatique, une nouvelle loi est votée dans l’immédiateté, sans analyse et sans recul par les gouvernements de Nicolas Sarkozy. Le nouveau projet de loi 4001 dit de l’exécution des peines, est actuellement en discussion à l’Assemblée Nationale. Ce texte est dangereux et inquiétant. En effet, il va à l’encontre de la Loi pénitentiaire car il privilégie l’incarcération. Par ailleurs, il nie le rapport de la Cour des comptes publié en octobre 2011 relatif aux Partenariat Public Privé (PPP) pénitentiaires en imposant l’agrandissement du parc immobilier et la construction de méga usines carcérales en PPP et ce, malgré les préconisations de la Cour des comptes.
Effectivement, le document fait apparaître que la dépense de loyers versés aux entreprises privées devrait connaître une forte augmentation au cours des années à venir. « En euros constants (…), les dépenses de loyers correspondant aux investissements passeraient de 35 millions d'euros en 2010 à plus de 263 millions d'euros en 2017, (…) les dépenses de loyers relatives à la part d’investissement et la part de fonctionnement de 95,4 à 567,3 millions d'euros ».
Malgré tout cela, le Président de la République, avec le gouvernement, continue d’effectuer des choix dangereux et arbitraires pour l’avenir de l’état. Si le rapport cité recommande l’avis de différents acteurs concernant la construction des nouvelles prisons, l’exécutif élabore son cahier des charges de façon autoritaire.
Effectivement, l’architecture possède sa grammaire ; elle a un but et une signification. Dans les prisons dites modernes, la préoccupation première des gouvernements est la sécurité dite passive : pas de place pour l’humanité ! Les personnels sont isolés et enclavés à l’intersection de plusieurs couloirs fermés par des grilles. Pris au piège. Piège de l’isolement, de la folie, de la violence accentuée par cette architecture digne des geôles de l’état-prison que sont les Etats-Unis. Les plafonds sont bas, la luminosité artificielle agresse la rétine, les grillages cerclant les fenêtres des cellules sont immondes et ne laissent pas passer l’existence de l’autre. Vision parcellaire en schéma caillebotis. Sensations d’étouffement. Angoisses accentuées par le fait que les usines carcérales sont implantées soit dans des zones industrielles, soit isolées du reste du monde : en dehors de la vie. Structures monstrueuses de 700 ou 800 places. Détresses amplifiées et vertiges de l’anonymat. De plus, les déplacements sont ralentis par les systèmes de sécurité. Dimension hors norme du temps.
Ce n’est pas pour rien que l’administration pénitentiaire a interdit la diffusion à la télévision du documentaire « Le déménagement » . Celui-ci montre bien que nouveautés et avancées technologiques ne signifient pas forcément mieux être et progrès.
Si les anciennes prisons situées en centre ville permettent aux détenus d’être encore dans la vie et dans le temps, leurs architectures autorisent les personnels à ne pas être isolés dans leur coursive. Les collègues peuvent se voir, se parler, s’entraider rapidement en cas de problème. L’espace est ouvert. Les structures ont une taille humaine.
Ces nouvelles prisons dites modernes, dégradent les conditions de travail des personnels et les conditions de détention des personnes incarcérées. Et c’est bien dans les usines carcérales qu’il y a le plus d’agressions, de suicides : elles déshumanisent l’être et accentuent sa condition d’objet. Cela est amplifié par un management qui se mécanise. Les personnels le vivent au quotidien. Qu’ils soient surveillants, travailleurs sociaux, agents administratifs ou cadres, ils remplissent des formulaires informatisés et automatisés, qui serviront à ficher les détenus dans des profils types. La perte du sens du travail est liée, en partie, à la mécanisation des missions qui engendre des souffrances : sur-suicidité des personnels et des personnes incarcérées.
Dans la mesure où les nouvelles structures accentuent  le mal-être, elles ne peuvent être la vitrine de la modernité et du progrès. Elles sont l’image d’une société qui régresse, qui se replie sur elle-même et sur les blockhaus qu’elle érige entre les humains au son de l’hyper incarcération et de l’omnipotente politique sécuritaire au service de l’industrie qui l’accompagne. Pour la CGT Pénitentiaire, l’emprisonnement doit rester l’exception ; l’humain acteur de son projet.
Jusqu’à quand les citoyens vont-ils accepter de devenir des présumés coupables, fichés, contrôlés et surveillés en permanence, simples objets au service du marché de la peur et de « l’horreur sécuritaire »?

vendredi 27 janvier 2012

mardi 17 janvier 2012

Tribune parue dans Libé du 16 janvier 2012 : limpide !!!


Quand la dangerosité devient le grand critère de la justice pénale
Liberation le 16 janvier 2012
PAR ALAIN BLANC MAGISTRAT ET SOPHIE BARON-LAFORÊT PSYCHIATRE
Nul ne sait si, dans les semaines qui précéderont l’élection présidentielle de mai 2012, un crime particulièrement horrible surviendra ou non. En revanche, il nous semble utile de formuler dès maintenant des recommandations sur les questions qui se posent sur le fonctionnement de la justice pénale et les attentes de nos concitoyens à ce sujet car les prises de positions des responsables politiques, mandatés ou non par les candidats à l’élection présidentielle pour s’exprimer sur les questions pénales, ont en effet pris jusqu’à présent un tour réellement préoccupant, quel que soit le bord d’où elles venaient.
Tout a déjà été dit sur l’effet désastreux de l’accumulation de lois souvent contradictoires censées garantir le non-renouvellement de faits divers, prétextes à leur élaboration en urgence au Parlement. Il en est de même concernant la question des moyens des services publics en charge de ces questions, qu’il s’agisse de la police, de la justice, de la psychiatrie ou plus largement des politiques publiques contribuant à la prévention de la délinquance et en particulier de la récidive.
Venons-en au cœur du sujet : depuis quelques années, nous sommes, avec la question pénale, comme sur un toboggan qui entraîne tout le monde en chute libre : la dangerosité est en train de devenir l’alpha et l’oméga, la pierre angulaire de toute la politique pénale : la loi du 28 février 2008 a instauré la rétention de sûreté et la privation de liberté perpétuelle sans crime ni délit. Dans le même mouvement, à bas bruit, le psychiatre et le juge se voient de plus en plus assignés par les responsables politiques - et l’opinion qu’ils contribuent à façonner - non plus pour l’un, à soigner et à apaiser la souffrance, pour l’autre à dire le droit et à rendre une décision juste, mais pour l’un et l’autre, d’abord, à prévoir le risque de dangerosité.
Il y a là un risque grave pour tout le monde, sans garantie d’améliorer la sécurité des personnes : celui de voir le médecin et le juge («mais le constat vaut pour d’autres professionnels dans le travail social, l’enseignement, la police, la recherche…») ne plus assurer leur mission première. Déjà, les psychiatres déplorent d’être mobilisés sur des urgences considérées comme plus sensibles ou médiatiques aux dépens des soins à des malades qui souffrent mais dérangent moins leur environnement. De même, les délibérés des chambres correctionnelles ou des cours d’assises intègrent de plus en plus le «risque de récidive» dans le calcul des peines qu’ils prononcent. Tant que les malades sont malgré tout soignés et que les peines restent «justes», rien de grave, nous dira-t-on.
Mais ne voit-on pas là en germe un risque de dérive ? Car la pollution des esprits est générale : l’étranger, le malade, le pauvre, le sans domicile fixe, et même l’enfant sont de plus en plus perçus comme potentiellement dangereux. C’est ce qui explique la régression historique qui est actuellement en cours pour notre droit des mineurs, mais aussi ce qui n’est - peut-être - qu’une «bourde» : le récent programme du ministère de l’Education nationale dit de «détection des risques» chez les enfants de moins de 3 ans, là où rien n’aurait été sans doute critiquable s’il s’était agi de repérage des «besoins» de ces mêmes enfants.
Mais revenons à la justice pénale. Dans ce domaine très surexposé, les effets de cette obsession de la dangerosité sont considérables : le récent quasi-lynchage à Brest d’un marginal pris par erreur pour un pédophile et décédé dans la foulée d’un arrêt cardiaque, l’illustre concrètement. On se souvient qu’ailleurs, quelques mois plus tôt, son ADN avait sauvé du même sort un ancien condamné pour agression sexuelle.
Le projet de loi de programmation d’exécution des peines - présenté une fois de plus en urgence devant le Parlement, et quelques mois avant l’échéance présidentielle - en est un autre avatar.
D’une part, seule la dangerosité supposée et la durée de peine des détenus y sont prises en compte - à l’exclusion de tout critère criminologique minimal - pour définir une priorité : affecter 7 000 places à des condamnés à moins de trois mois, alors qu’ils relèvent d’un aménagement de leur peine comme l’exige la loi du 10 novembre 2009 (c’était hier…).
D’autre part, et les suites du drame du Chambon-sur-Lignon n’ont pas fini d’alimenter ce débat important, le même projet de loi prévoit que le médecin informe le juge de l’application des peines sur «l’effectivité» (exposé des motifs) des soins suivis par le condamné ou sur leur «régularité» (article 5 du projet de loi). Tout cela risque de se solder par un compromis très approximatif autour d’un concept qui l’est tout autant : celui de «secret partagé» alors que les questions qu’il sous-tend sont complexes.
Venons-en à trois questions de fond qui nous paraissent déterminantes si l’on veut définir des perspectives sérieuses et avec un minimum de recul dans ce domaine. L’une concerne les débats sur l’expertise des prévenus ou accusés avant le procès pénal, l’autre, les conditions dans lesquelles la peine est définie par les juges et les jurés, la dernière les politiques d’exécution des peines et leur évaluation.
Sur l’expertise. Si des débats doivent avoir lieu sur les méthodes permettant de mieux connaître les personnes vis-à-vis desquelles la justice doit statuer, et de repérer ce qui peut être discerné sur leurs perspectives d’évolution (y compris les risques de réitération), ce ne sont ni les affrontements idéologiques ni les dogmatismes qui permettront d’y voir plus clair.
Ce serait une erreur de penser qu’il faut choisir entre la clinique psychiatrique et les méthodes «actuarielles» (ou statistiques), abusivement présentées par leurs émules comme plus «scientifiques». Clinique et méthodes actuarielles n’ont absolument pas la même fonction. Elles sont, par rapport à la définition de ce qui serait une politique publique de prévention de la récidive, plus complémentaires qu’exclusives l’une de l’autre.
Si l’on veut bien admettre qu’il s’agit d’une question scientifique, celle de déterminer ce que les techniques et les méthodes mises à jour jusqu’à présent peuvent apporter, recourons, comme cela a déjà été fait sur d’autres questions du même ordre, à la Haute Autorité de santé et à une «conférence de consensus» qui fera le point sur les savoirs en la matière et contribuera à un vrai débat démocratique à partir des analyses et des propositions qu’elle formulera.
Sur les conditions dans lesquelles la peine est définie et prononcée. Au moment où la peine est sans cesse critiquée et remise en question, où certains extrémistes faisant litière de tout principe humaniste vont jusqu’à réclamer l’instauration de peines perpétuelles incompressibles et non aménageables, donnons-nous les moyens de faire en sorte que cette peine soit déterminée dans des conditions sérieuses. Il est temps de recourir à la «césure du procès pénal» en deux temps. Celle-ci est seule en mesure de faire en sorte que la nature et le quantum de la peine soient débattus contradictoirement à partir de données examinées, pesées et discutées par celui ou celle dont la culpabilité est acquise, par l’accusation et par la défense.
A cette fin, un «temps du choix de la peine» doit être instauré en lieu et place des échanges convenus dans les procès actuels en fin de débat sur la culpabilité, sans autre contenu, d’une pauvreté le plus souvent affligeante, que celui autour de la «gravité» des faits.
De la qualité de ce débat-là, qui exige du temps, des données riches sur la personnalité et l’environnement du condamné sont indispensables pour garantir la crédibilité et la légitimité de la peine prononcée et sa capacité à être comprise, y compris par celui à qui elle est infligée.
L’exécution des peines. Nous sommes en janvier 2012 et plusieurs maisons d’arrêts sont obligées de mettre des matelas par terre dans les cellules pour garder des détenus dont beaucoup sont condamnés à des peines de moins de six mois. L’articulation entre les juridictions, parquet et siège, et les services pénitentiaires, malgré la loi du 10 novembre 2009 censée corriger les effets de celle du 10 août 2007 sur les peines planchers, n’a pas permis de généraliser les aménagements pour ces courtes peines, dont beaucoup se traduisent par des incarcérations impossibles à aménager en si peu de temps. C’est l’une des conclusions d’un colloque inauguré par le garde des Sceaux début novembre 2011 à l’IEP de Paris.
La seule réponse proposée à cette situation, non contestée en l’état par l’opposition, est de créer 7 000 places pour les moins de trois mois dont on sait - mais le projet de loi n’en dit mot - qu’il s’agit pour l’essentiel, en dehors des conduites en état alcoolique, de «petits voleurs» récidivistes pour la plupart, alcooliques et/ou toxicomanes, tous désocialisés, sans emploi, souvent sans hébergement.
Cette unique réponse est envisagée au moment où l’on entre dans une crise économique que l’on nous annonce comme sans précédent, c’est indigne.
Tout est-il mis en œuvre pour faciliter la mobilisation d’autres réponses ? De quelles évaluations disposons-nous et, quand elles existent - c’est le cas sur ce sujet -, qu’en fait-on ?
Les réponses ne sont pas - ou pas seulement - dans de nouvelles places de prison. Si beaucoup dépendent de la justice, de ses professionnels et des politiques régionales et locales à définir conjointement, elles dépendent aussi des autres services de l’Etat et des collectivités territoriales et du développement de la recherche sur des enjeux essentiels pour la cohésion et le respect de l’état de droit dans notre pays.
Ces propositions ne sont pas les seules à pouvoir contribuer à une meilleure qualité de la justice pénale et à renforcer sa légitimité. Mais elles ont le mérite, essentiel en ces temps de polémique et d’approximations, de faire appel à la fois aux savoirs disponibles et à la responsabilité de chacun.



samedi 7 janvier 2012

Monsieur G, en fauteuil roulant, en liberté...mais à quel prix !!





Mercredi 5 janvier 2012, audience devant la chambre de l’instruction de la Cour d’Appel de DIJON concernant un de mes clients en détention provisoire dans un dossier de vol avec arme, présentant la particularité d’être atteint d’une maladie incurable et irréversible , la maladie de Charcot Marie Tooth, atteignant le système nerveux et provoquant à terme une paralysie totale.

Monsieur G. est détenu depuis plus de deux années ; il a été incarcéré, tout d’abord, Fresnes puis, actuellement, à la maison d’arrêt de Villepinte.

J’ai fait sa connaissance durant l’année 2010 ; il m’a saisi, d’une part, de ses intérêts afin d’assurer sa défense dans le cadre du dossier pénal et, d’autre part, très combatif, afin d’engager une procédure contre l’Etat, concomitamment à sept autres personnes handicapées, à raison de leurs conditions de détention à Fresnes.

J’ai été stupéfié du récit qu’il m’a fait de sa détention dans cet établissement !

Ambiance de cour des miracles : cellule dites « handicapés », microscopiques (environ 9 m²), certes dotées de lits médicalisés, mais tellement encombrées que les deux personnes « à mobilité réduite » ne peuvent se croiser à l’intérieur, étant réduites à demeurer l’une au bout de la cellule, près de la fenêtre, l’autre, près de la porte, à tel point que lorsque la première souhaite sortir, la seconde doit appeler le surveillant (durant parfois très longtemps) afin qu’il ouvre la porte, le sorte pour que l’autre puisse, enfin, lui-même s’extraire de la cellule

Dès lors, s’ensuivent des situations de conflits entre les occupants des cellules qui, face à face dans cet univers clos er confiné, sans possibilité d’évoluer normalement, en viennent à ne plus se supporter, la moindre peccadille devenant une montagne !

Monsieur G me raconte toutes ces épreuves en retenant ses larmes mais fréquemment, il craque et s’effondre comme un enfant dans son fauteuil roulant, suppliant que je fasse quelque chose, maudissant la terre entière et surtout la pénitentiaire qui lui impose de telles conditions de détention, empreintes d’une immense souffrance.

Le Tribunal Administratif de MELUN, saisi d’une requête déposée au nom de nos clients, mon confrère Laure Heinich Luijer et moi-même, a ordonné un constat des conditions de détention, confié à Monsieur MARTY, expert architecte.

Les opérations de constat, très complexes, en raison du grand nombre de requérants et du nombre de cellules, disséminées dans les trois divisions de l’établissement pénitentiaire, ainsi qu’au C.N.O, dans lesquelles ils ont été enfermés, se sont déroulées durant les mois d’octobre et novembre 2010, durant une journée complète et deux demi-journées.

Monsieur MARTY, qui rentrait pour la première fois en détention, tout en gardant un recul dû à sa fonction d’expert, a été choqué de découvrir les conditions de détention des requérants, d‘observer le manège des opérations de sortie des personnes en fauteuil roulant de leur cellule (au nombre de 8 « spécialement aménagées », sachant que plusieurs autres requérants, tout aussi handicapés, étaient détenus, eux, dans des cellules ordinaires, c’est-à-dire, non aménagées, ne disposant pas de lit médicalisé, ni d’équipements spécifiques aux personnes à mobilité réduite.

Un rapport particulièrement détaillé et critique a été déposé qui a permis de saisir le Tribunal Administratif de MELUN de requêtes aux fins d’indemnisation du préjudice moral subi par les requérants à raison de l’atteinte à leur dignité née de leurs conditions de détention.

Par sept ordonnances en date du 20 décembre 2011, la juridiction a fait Droit aux requêtes en référé et a condamné le Garde des Sceaux à indemniser les sept requérants.
« Considérant que M. G soutient, sans être contredit, être atteint d'une pathologie chronique évolutive, se déplace exclusivement fauteuil roulant et avoir occupé pendant 25 mois  la cellule 90 du grand quartier au rez-de-chaussée de la deuxième division Sud ; qu'il ressort du rapport de l'expertise confiée à M. Marty, architecte, missionné par le tribunal de céans, que la cellule était occupée par deux détenus ; que la largeur du dégagement central ne permettait pas le croisement des deux fauteuils, obligeant l'un des occupants à sortir pour que l'autre puisse emprunter la porte ; que les cellules médicalisées sont accessibles avec d'importantes difficultés aux détenus en fauteuil ; que le module aménagé en pièce de toilette présente des dispositions insuffisantes d’aération et de ventilation ; l'installation et présente des caractéristiques en conformité avec risques d'accidents de personnes ; que les parloirs, les locaux de soins, la bibliothèque, la salle de lecture et les installations sanitaires complétant la salle de sports et de détente sont inaccessibles aux détenus en fauteuil roulant ; que, dans ces conditions, M. G. est fondé à soutenir qu'il a été détenu dans des conditions n’assurant pas le respect de la personne humaine en méconnaissance des dispositions de l'article  D 189 du code de procédure pénale précitée ; l'existence de l'obligation dont se prévaut M. G.n'est, dès lors, pas sérieusement contestable et qu'il y a lieu de condamner le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés au versement d'une provision dont il sera fait juste appréciation en la fixant à 5000 € ».

S’agissant de la procédure judiciaire, le juge d’instruction, rapidement, vers la fin de l’année 2009 (avant que je sois saisi) avait ordonné une expertise destinée à vérifier la réalité de la maladie, une des principales questions posées à l’expert consistant à s’assurer que Monsieur G n’était pas un simulateur.

Ce qui est particulièrement choquant, c’est que l’expert n’a déposé son rapport, daté du mois d’avril 2011, au greffe de l’instruction qu’au mois de juillet 2011, soit plus de dix-neuf mois plus tard !

Pendant ce temps, l’état de santé de Monsieur G a eu le temps de se dégrader encore plus ; rapidement, les muscles de ses épaules ont commencé, eux aussi, à s’atrophier, provoquant d’intenses douleurs et rendant difficile le fait de pousser seul son fauteuil.

De plus, l’absence de soins kiné au grand quartier de la maison d’arrêt de Fresnes ne permettait pas de contenir un tant soit peu l’aggravation de la maladie.

Les demandes de mise en liberté avant le dépôt du rapport d’expertise, se sont toutes heurtées aux mêmes arguments principaux, savoir :
·         L’attente du rapport d’expertise
·      Le risque d’évasion fondé sur le fait que, plusieurs années avant, Monsieur G avait déjà tenté de s’évader alors qu’il était sous bracelet électronique dans une précédente affaire.
·         Le risque de réitération de l’infraction (!!)

Au mois de novembre 2011, par un arrêt avant dire Droit, la Chambre de l’Instruction, saisie d’un appel d’une ordonnance de prolongation de la détention provisoire de Monsieur G, a ordonné une expertise médicale destinée à vérifier la compatibilité ou non de l’état de santé de ce dernier avec la détention provisoire dans des conditions ordinaires.

Le rapport a été déposé très peur de temps avant l’audience de renvoi du 4 janvier 2011.

Les conclusions de l’expert sont formelles :

(L'état de santé de Monsieur G) « Près de 20 ans après l'émergence déclarée des premiers symptômes, et en fonction des antécédents rapportés, est compatible avec le diagnostic de maladie de Charcot Marie Tooth. Il en existe plusieurs variantes… Il apparaît que le déficit moteur, qui touche principalement les membres inférieurs est tout à fait invalidant.
Le traitement en cours vise principalement à agir sur les douleurs de contraintes mécaniques, musculo articulaires et des douleurs neuropathiques associées à la maladie.
La prise en charge doit comporter une kinésithérapie active et entretient la plus régulière possible.
L’adaptation fauteuil roulant est acquise mais une prise en charge ergothérapie complémentaire pourrait permettre de l'optimiser et de compenser les quelques difficultés déclarées au niveau des membres supérieurs.
S'agissant des soins requis, en dehors des traitements médicamenteux purement symptomatiques (il n'existe pas de traitement curatif ou ayant un impact mesurable à ce jour sur l'évolutivité de ce genre de maladie), on doit considérer la nécessité impérieuse une kinésithérapie d'entretien avec un complément en ergothérapie destinée à permettre l'autonomie maximum au fauteuil roulant et dans les actes élémentaires de la vie quotidienne.
Enfin, s'agissant d'une possible simulation, il existe des éléments objectifs à l'examen clinique (ainsi que) des éléments électrologiques qui confirment une neuropathie »..
En dehors d'un amaigrissement diffus, il existe une atrophie musculaire compatible avec une neuropathie invalidante, le déficit distal associé à une dysmorphie avec pieds creux est tout à fait évocateur d’une neuropathie évoluée… Pour l'essentiel, les plaintes fonctionnelles sont corroborées par l'histoire clinique déclarée du patient et les données de l'examen ».

D’après l’expert, l’état de santé de Monsieur G n’est pas compatible avec la détention ordinaire, à moins d’aménagements spécifiques tels qu’une tierce personne, une cellule plus vaste, dotée d’équipements tels qu’un lit médicalisé, des WC adaptés, bref, tout ce dont la maison d’arrêt de Villepinte ne dispose pas ; en effet, depuis son transfert dans cet établissement, il se trouve détenu dans une cellule « normale ».

Autre suggestion formulée par l’expert, un transfert vers l’hôpital pénitentiaire de Fresnes comme constituant un substitut adapté à la détention provisoire ordinaire.

Cette solution, qui aurait le mérite de permettre à M. G.de bénéficier de soins durant une courte période n'est en réalité pas satisfaisante.

En effet, outre le fait que l'hôpital de Fresnes n'est pas un établissement pénitentiaire au sein duquel une personne puisse être détenue, il est constant qu'une admission dans cette structure ne peut en aucun cas être pérenne et implique, un jour ou l'autre, un retour dans un établissement pénitentiaire.

Ainsi, dans l'hypothèse d'une admission à l'hôpital pénitentiaire de Fresnes, il y a tout lieu de penser que Monsieur G. se retrouverait rapidement, à nouveau admis au grand quartier de la maison d'arrêt de Fresnes au sein duquel il a été détenu durant une période dans des conditions qui ont été examinées par un expert désigné par le tribunal administratif de MELUN, rapport d'expertise ayant donné lieu à l’ordonnance de référé, rendue par cette juridiction le 20 décembre 2011, condamnant l'État à raison des conditions de détention indignes qui lui ont été imposées à la maison d'arrêt de Fresnes sachant que, précisément, dans cet établissement, M. G. était détenu dans une cellule dite « handicapé ».

La situation de Monsieur G a été évoquée à l’audience de la Chambre de l’Instruction de Dijon le 4 janvier 2012.

J’ai immédiatement ressenti de la part de la juridiction une capacité d’écoute et de compréhension inhabituelle.

Par contre, de la part du représentant du Ministère Public, j’ai compris que, soit, celui-ci faisait preuve d’une particulière mauvaise foi soit qu’il n’avait pas la moindre connaissance de l’univers pénitentiaire et du mode de fonctionnement de l’Administration Pénitentiaire !

En effet, après l’argumentation relevant des critères de la détention provisoire (risque de pressions, d’évasion, instruction terminée, renvoi à bref délai devant la Cour d’Assises etc etc…l’Avocat Général a répondu à mes arguments tendant à démonter qu’aucune structure pénitentiaire ne pouvait héberger Monsieur G.

Il a ainsi soutenu que si les conditions de détention de Monsieur G. étaient réellement indignes et inadaptées, l’administration pénitentiaire l’aurait très certainement signalé au juge d’instruction et aurait, bien évidemment pris des mesures afin de les adapter ! Bienvenue au monde des Bisounours !!)

Ensuite, il a conseillé à la juridiction de rendre une décision confirmant la prolongation de la détention provisoire tout en exigeant que la cellule de Monsieur G soit aménagée, conformément aux préconisations de l’expert et, qu’à défaut, il serait toujours temps de revoir la question de la détention !

Face à de si belles perches, j’ai pu répondre ceci :

1)   L’administration pénitentiaire ne communique JAMAIS sur les conditions de détention, tout du moins, spontanément ; elle ne le fait que lorsqu’elle y est contrainte par le Juge Administratif dans le cadre de procédures que des personnes détenues qui se plaignent de leurs conditions de détention initient. Il est évident que si l’administration pénitentiaire communiquait et faisait preuve de coopération sans s’opposer bec et ongles aux procédures d’expertise, sans user de toutes les voies de recours imaginables, la situation serait toute différente ! Là, je perçois parfaitement à quel point les magistrats ignorent la situation véritable dans les établissements pénitentiaires, ne cherchent pas à connaître réellement quelles souffrances peuvent endurer les personnes détenues, a fortiori celles qui sont en situation de handicap, celles qui sont les plus vulnérables parmi les vulnérables (dixit le Conseil d’Etat aux termes de deux arrêts en date du 17 décembre 2008).

2)   Le conseil d’assortir un arrêt de confirmation d’exigences de mise en conformité est un vœu pieux qui resterait lettre morte en raison, d’une part de l’inertie de l’administration pénitentiaire mais aussi de l’impossibilité dans laquelle elle se trouve de modifier les choses de façon profonde.

En tout état de cause, le problème posé à la chambre de l’instruction de Dijon le 4 janvier 2012 est celui, plus global de l’enfermement des personnes handicapées : jusqu’où peut-on leur imposer de telles souffrances ?

Est-il légitime de prolonger une détention provisoire ou une peine coûte que coûte jusqu’au bout ultime sans prendre en compte la notion de la souffrance, de la perte de dignité, pour une personne comme Monsieur G qui ne peut même plus pousser seul son fauteuil roulant ?

Est-il légitime de créer des prisons spécialisées pour les malades mentaux alors que ceux-ci auraient leur place au sein d’établissements spécialisés ?

Je suis ressorti de l’audience avec un fol espoir, celui d’être entendu !

Bien m’en a pris !

Par un arrêt (béni !) en date du 6 janvier 2012, la Chambre de l’Instruction a remis Monsieur G. en liberté sous contrôle judiciaire, aux motifs suivants :
« Attendu qu’au vu des éléments déjà évoqués dans l’arrêt avant dire Droit, de l’expertise médicale et de ces pièces (celles que j’ai versé aux débats, savoir, essentiellement, l’Ordonnance de référé  du Tribunal Administratif de MELUN du 20 décembre), il apparaît manifeste que l’adaptation des conditions de détention telles que suggérées serait très difficilement réalisable et auraient déjà été mises en œuvre par l’administration pénitentiaire si elle en avait eu la possibilité, s’agissant de préconisations qui étaient déjà largement celles du médecin attaché à l’administration pénitentiaire mais non mises en œuvre ; qu’il n’y a pas de possibilité de détention pérenne à l’Hôpital de la maison d’arrêt de Fresnes ».

Même si cet arrêt dénote une méconnaissance du fonctionnement réel, par exemple, d’un Unité de Consultation et de Soins Ambulatoires d’un établissement pénitentiaire (il n’y a pas de médecin attaché à l’administration pénitentiaire depuis la loi de janvier 1994, les praticiens sont liés à l’hôpital qui les emploie et non cette dernière) ; il n’y a pas d’hôpital à la maison d’arrêt de Fresnes mais un Etablissement Public  National de Santé de Fresnes, (qui a, d’ailleurs changé de nom récemment) établissement indépendant, même de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris), cette décision est très importante ; enfin, des magistrats ont considéré qu’une personne handicapée ne pouvait demeurer détenue et que, comme je le soutenais, il n’existe pas structure pénitentiaire susceptible d’accueillir Monsieur G.

Pour terminer, cet arrêt tord le cou à une légende consistant à croire qu’il existe des hôpitaux prisons (hors le cas des sinistres UHSA, bien sûr !) et qu’une personne hospitalisée dans une structure hospitalière comme l’Hôpital de Fresnes ou une Unité Hospitalière Sécurisée Interrégionale, retourne fatalement en détention ordinaire.

Pour le moment, l’histoire de Monsieur G se termine bien mais si, un jour, une Cour d’Assises rend une décision de condamnation, il sera urgent, à nouveau, d’agir afin d’obtenir la suspension de cette peine ; là, la situation est différente, il existe une Loi….

A suivre….

Des nouvelles du concours international de plaidoirie de Caen

http://www.paris-normandie.fr/actu/lavocat-rouennais-etienne-noel-au-concours-international-de-plaidoirieshttp://www.paris-normandie.fr/search/sinequa/Etienne%20No%C3%ABl%20concours%20de%20plaidoirie