De longues peines... de plus en plus longues
La Croix 7 octobre 2011
La Croix 7 octobre 2011
La France n’a pas connu un regain de criminalité mais condamne désormais plus sévèrement les homicides
Le caractère dissuasif de la peine capitale a longtemps été l’argument choc des partisans de la guillotine. À tort. Le nombre d’homicides n’a jamais été aussi bas que depuis que la peine de mort a disparu. « On constate un mouvement en deux temps : une hausse des homicides sur la période 1970-1984, puis une baisse globale de 1985 à nos jours, précise Laurent Mucchielli, sociologue spécialisé en criminologie. En fait, la période actuelle est la moins meurtrière depuis le début du XIXe siècle. »
Voilà qui vient confirmer le pressentiment de nombreux chercheurs, pour qui aucune corrélation ne peut être faite entre peine de mort et taux de criminalité. Bruno Aubusson de Cavarlay ne dit rien d’autre. « Au moment du passage à l’acte, l’immense majorité des meurtriers agissent de façon très pulsionnelle, explique ce spécialiste de la statistique pénale au CNRS. Qu’ils encourent ou non la peine de mort leur importe peu. »
Durcissement du code pénal
Aux dires de certains, l’abolition de la peine capitale aurait même plutôt eu tendance à pacifier la société. « En la supprimant, le Parlement a dit haut et fort que rien ne pouvait légitimer qu’on ôte la vie à quelqu’un, estime Christian Mouhanna, chercheur au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (Cesdip). C’est un message purement symbolique mais qui, sur le long terme, a peut-être influé sur la criminalité. »
Paradoxalement, si les homicides ont baissé en nombre, les condamnations, elles, se sont considérablement alourdies. Robert Badinter s’était refusé à instaurer une « peine de substitution » à la peine capitale. Et ce malgré l’insistance de toute une partie du Parlement, qui réclamait une sûreté d’une durée de trente ans. Les partisans d’un durcissement du code pénal ont fini par obtenir gain de cause ensuite.
Après avoir révisé à la hausse les périodes de sûreté (de 18 à 22 ans), après s’être doté d’une « période de sûreté incompressible » (de 30 ans), le Parlement a instauré en 2008 la « rétention de sûreté » qui prévoit de retenir sans limite dans le temps les condamnés présentant un risque élevé de récidive. Pas étonnant, dans ce contexte, que la durée des peines de prison ait été multipliée par trois entre 1984 et 2004.
Les systèmes pénaux qui admettent les peines définitives et ceux qui les excluent
Rien d’étonnant non plus que le nombre de détenus âgés de plus de 60 ans ait crû de 180 % ces quinze dernières années. « Avec le vieillissement de la population carcérale, les décès en détention vont forcément se multiplier », prévoit Bruno Aubusson de Cavarlay. Désespérant de recouvrer la liberté, certains d’entre eux ont fait sensation en 2006 en réclamant le rétablissement de la peine de mort pour eux-mêmes. Et ce afin « d’en finir une fois pour toutes plutôt que de crever à petit feu ».
En 1981 déjà, le philosophe Michel Foucault déclarait : « La véritable ligne de partage entre les systèmes pénaux ne passe pas entre ceux incluant la peine de mort et les autres ; elle passe entre ceux qui admettent les peines définitives et ceux qui les excluent… Va-t-on sortir d’une pratique qui maintient que certains ne peuvent être corrigés et ne pourront jamais l’être par nature, par caractère ou parce qu’ils sont intrinsèquement dangereux ? »