mercredi 23 mai 2012

Les juges des enfants soutiennent Christiane Taubira





Les professionnels de la justice des mineurs sont montés au créneau mardi pour soutenir l'intention de la garde des Sceaux Christiane Taubira de supprimer les tribunaux correctionnels pour mineurs et rejeter les accusations de "laxisme" lancées par la droite.
Le fait que Mme Taubira veuille respecter l'engagement de campagne de François Hollande de supprimer ces tribunaux "est pour nous un grand réconfort", a déclaré à l'AFP Catherine Sultan, présidente de l'Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF).

C'était "espéré et attendu", rappelle également le juge Jean-Pierre Rosenczveig sur son blog (www.rosenczveig.com). "La suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs est indispensable", appuie un autre juge des enfants, Eric Bocciarelli, secrétaire national du Syndicat de la magistrature (SM, gauche).
Pour les trois magistrats, l'instauration de ces tribunaux, qui fonctionnent depuis janvier, était emblématique de la défiance de Nicolas Sarkozy à l'égard des juges des enfants qu'il trouvait trop cléments, et de la remise en cause de la spécificité de la justice des mineurs.
Une ordonnance de 1945, texte de référence maintes fois modifié mais dont l'esprit demeure, a posé comme principe que les mineurs devaient être jugés par des juridictions différentes de celles réservées aux adultes et que pour eux, l'éducatif devait primer sur le répressif.
Mais l'ancien président avait pour habitude de dire que les délinquants d'aujourd'hui n'ont plus rien à voir avec ceux de 1945, qu'ils sont plus grands, plus matures et que les plus violents d'entre eux ne devraient pas relever d'un juge des "enfants".
La loi du 10 août 2011 a donc créé les tribunaux correctionnels pour mineurs, composés de trois magistrats professionnels (un juge des enfants et deux juges non spécialisés), chargés de juger les récidivistes de 16 à 18 ans poursuivis pour des infractions passibles d'au moins trois ans de prison.
Jusqu'alors, ces jeunes, comme les autres mineurs, comparaissaient devant un tribunal pour enfants, moins solennel, comprenant un juge des enfants et deux citoyens assesseurs ayant une expérience du monde de l'enfance.
"On a franchi la ligne rouge, c'est une régression majeure", en matière de "spécialisation" des tribunaux, de connaissance des jeunes et de leur parcours, selon Eric Bocciarelli, pour qui ces tribunaux correctionnels sont de surcroît "inutiles".
La justice pénale des mineurs est "performante", juge aussi Pierre Rosenczveig. "Dans 85% des cas, les jeunes dont nous nous préoccupons comme mineurs ne sont plus délinquants une fois devenus majeurs", dit-il, ajoutant par ailleurs que "même grands physiquement, les jeunes qu'(il) côtoie sont malheureusement souvent petits dans leur tête".
Les juges se défendent de tout "angélisme" et assurent que "la priorité éducative n'exclut pas la fermeté".
Christiane Taubira a elle aussi pris soin de souligner, comme François Hollande, qu'il n'était pas question d'être indulgent à l'égard des "petits caïds" qui terrorisent les quartiers. Elle s'est néanmoins attiré de vives critiques de la droite.
"On dit qu'on renoue avec le laxisme, mais cette critique est fausse", affirme Catherine Sultan, en soulignant que "les peines et les mesures que peuvent prononcer les tribunaux correctionnels pour mineurs et les tribunaux pour enfants sont exactement les mêmes".
Et pour les quelques cas dont elle a eu connaissance depuis la création des tribunaux correctionnels pour mineurs, Mme Sultan affirme que leurs décisions ont été ni plus ni moins sévères que celles qu'aurait prises un tribunal pour enfants.