Dans une pétition qu'ils ont difficilement réussi à faire sortir du centre pénitentiaire de Ducos mais aussi à travers des photos ou des vidéos qui sont parvenues jusqu'à nous, les nombreux signataires décrivent un quotidien invivable et veulent engager une procédure contre l'administration.
La prison explose. Ce n'est pas nouveau mais les chiffres atteignent des taux records. Ce lundi encore, 1016 détenus - dont 65 sous bracelet électronique - pour seulement 570 places restaient incarcérés au centre pénitentiaire de Ducos. Mi-avril, à l'appel du syndicat FO pénitentiaire, une partie des surveillants s'était mobilisée pour dénoncer les agressions récurrentes dont ils sont victimes depuis le début de l'année.
À leur tour, dans une lettre datée du lendemain de ce mouvement de grogne, 136 détenus ont signé une pétition pour dénoncer « des conditions de vie déplorables et insupportables » (lire par ailleurs). Un document, bon an mal an, qui a fini par quitter les murs de l'enceinte pénitentiaire et aurait été envoyé au bureau du procureur de la République - qui ne confirme pas -, à la Ligue des Droits de l'Homme et à l'Observatoire International des Prisons (OIP) à Paris. Loin de s'opposer à leurs geôliers, « les détenus du centre pénitentiaire de Ducos » décrivent les mêmes maux, « surpopulation carcérale » avec les mêmes conséquences, « de nombreuses bagarres et agressions, aussi bien côté détenus que surveillants » .
UNE ACTION CONTRE L'ETAT ?
« On est en train de remplir les prisons mais, à un moment donné, tout ça va exploser » , décrit un avocat, saisi, avant la rédaction de cette pétition, par plusieurs détenus afin d'engager une action contre l'Etat. Les recours ont été initiés mais pas encore déposés au tribunal administratif.
Si la grogne massive des détenus de Ducos est une première par son ampleur, elle connaît un précédent en Nouvelle-Calédonie. L'an passé, 14 9 détenus de Nouméa avaient saisi l'Observatoire International des Prisons et la Ligue des Droits de l'Homme pour les mêmes motifs. « Nous les avions très rapidement aiguillés sur un cabinet d'avocats car tous les recours ne peuvent être qu'individuels » , confirme François Besse, chargé de la coordination Île de France/Outre-Mer à l'OIP. Leurs dossiers sont actuellement en attente de jugement au tribunal administratif de Nouméa.
Évoquant leurs « droits bafoués » et leur « compréhension éprouvée » , les 136 signataires de la prison de Ducos souhaitent que « cette pétition fasse office de plainte contre l'administration pénitentiaire » et se « disent déterminés à faire valoir (leurs) droits » . Dans la réalité, la mise en route judiciaire est un peu plus complexe (lire par ailleurs) mais plusieurs avocats pourraient leur apporter leur concours.
De son côté, l'OIP qui confirme avoir reçu la pétition, compte appuyer en ce sens et sensibiliser à nouveau les parlementaires sur une situation explosive. Contactée, l'administration, actuellement en période de réserve électorale, n'a pas souhaité s'exprimer.
Vidéos accessibles sur www.franceantilles.fr
- Des vidéos qui circulent
Les détenus mécontents ont réalisé plusieurs vidéos grâce aux téléphones portables qui circulent assez facilement en détention. Ils y montrent les toilettes et les douches collectives de la cour de promenade, « en mode dégueulasse comme toujours » .
- LE CHIFFRE 951
C'est le nombre de détenus actuellement hébergés au centre pénitentiaire de Ducos pour un établissement conçu pour 574 places, selon les chiffres du 30 avril dernier. Avec les 65 bracelets électroniques à la même date, il faut compter 1016 écrouées au total.
- REPÈRES
Recours en responsabilité de l'Etat
Pour obtenir une condamnation de l'administration - comme ils le réclament - et donc de l'Etat, les détenus doivent engager un recours en responsabilité de celui-ci sur leurs conditions de détention. Une démarche qui ne peut être qu'individuelle et assurée par un avocat, saisi par chaque requérant ou par plusieurs. Lui seul peut engager une procédure au tribunal administratif. Leur pétition ne fait nullement dépôt de plainte. L'OIP se dit prête à appuyer la démarche. « Dans le cas de la prison de Ducos, on n'a pas forcément besoin de nommer un expert puisque le rapport du contrôleur général des prisons peut servir de base » , estime un représentant de l'association.
À Fleury-Mérogis aussi
À la prison de Fleury-Mérogis (région parisienne) aussi, fin 2008, des détenus étaient parvenus à filmer leurs cellules et leur cour de promenade. Des documents qui avaient été diffusés par la suite et plusieurs prisonniers avaient engagé un recours contre l'Etat.
Le précédent Nouméa
Les prisons françaises, de l'hexagone et d'Outre-Mer, connaissent toutes la même surpopulation. Mais celle de Nouméa en Nouvelle-Calédonie a été particulièrement pointée du doigt par le contrôleur général des prisons qui y a évoqué une « violation grave des droits fondamentaux » des détenus. 149 prisonniers ont d'ailleurs alerté l'OIP et la Ligue des Droits de l'Homme. Leurs dossiers sont aujourd'hui entre les mains du tribunal administratif.