M. Jean-Jacques Mirassou . - Le plan « prison 13 000 » de l'un de vos prédécesseurs, M. Chalandon, poursuivi par M. Perben, a fait bien des dégâts : le PPP, contrat unique, permet de déléguer la conception, le financement, la construction, la maintenance et les services des établissements. Même si l'État conserve ses missions fondamentales de direction, de surveillance et de greffe, le problème se pose du partage des bénéfices... Les budgets alloués à la gestion déléguée et aux PPP ne cessent d'augmenter -l'exemple de la direction interrégionale des services pénitentiaires Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon est frappant.
L'État a « oublié » ses fonctions régaliennes. Ces tentatives de privatisation sont des échecs. La sécurité, madame la ministre, ne fait pas bon ménage avec la rentabilité. Comment entendez-vous y remédier ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice . - C'est, de fait, une hypothèque posée sur les fonds publics pour au moins deux générations... J'ai dit mes réserves sur le PPP. Dès ma prise de fonction, j'ai fait évaluer le poids du secteur privé en la matière. En 2012, le coût de la gestion déléguée et des loyers liés aux PPP représente 13,5 % du budget de l'administration pénitentiaire ; 51 établissements et 49 % de la population carcérale sont concernés. C'est considérable.
Il faut cependant distinguer gestion déléguée et PPP. Le bilan de la première est satisfaisant, ce qui n'empêche pas de poser la question des politiques publiques : la politique pénitentiaire ne saurait rester déconnectée de la politique pénale. C'est sur le sens de l'incarcération qu'il faut s'interroger.
Avec le PPP, l'État se décharge totalement sur un partenaire privé pour trente ans -pour un coût exorbitant. La Cour des comptes, en 2008, sous présidence de M. Séguin, avait été très critique, pointant notamment les loyers rendus élevés par les taux d'intérêt auxquels empruntent les opérateurs. Les « coups partis » iront à leur terme. Mais je prends l'engagement de mettre fin, pour l'avenir, à ces PPP. La question n'est pas seulement financière. Le grignotage du secteur privé sur les missions régaliennes de l'État est inquiétant pour nos démocraties.