Dans le film "Ombline" qui sort mercredi, l'actrice Mélanie Thierry incarne avec réalisme une jeune femme devenue mère en prison. Les détenues de Fleury-Mérogis, elles, ne jouent pas: cette fiction est un peu leur histoire.
"C'est comme moi, il n'y a pas de différence. Quand j'ai accouché, j'étais bien avec mon fils, je lui chantais des chansons et depuis qu'ils me l'ont enlevé, je ne me retrouve pas, je déprime".
Plantureuse, le visage juvénile, la jeune femme a du mal à trouver ses mots lorsque la lumière se rallume dans la salle polyvalente de la maison d'arrêt où une trentaine de détenues ont découvert cette semaine le premier long métrage de Stéphane Cazès.
Le film, qui joue la carte de l'émotion, a été reçu au centuple parmi ces femmes, en larmes durant la projection, suspendues au combat d'Ombline, 20 ans, pour élever son fils en prison aussi longtemps que la loi l'y autorise puis convaincre le juge de le lui confier à sa sortie.
Comme dans la fiction, la maison d'arrêt des femmes de Fleury, qui accueille 268 prévenues et condamnées, comprend une nurserie, la plus grande des prisons françaises, dotée de treize places mère/enfants et autant pour les femmes enceintes.
Les bébés peuvent y séjourner jusqu'à l'âge de 18 mois avec leur mère, dans des cellules spécialement aménagées, fermées la nuit, tandis que les journées se déroulent dans les espaces communs de la nurserie où mamans et enfants circulent librement, sous le regard des surveillantes.
C'est cette imbrication d'ambiances poupon et prison que retranscrit le film avec un souci de vérité, alternant, dans la première partie, scènes tendres et cruelles: détenue enceinte menottée à quelques heures d'accoucher, montée de lait dans l'impitoyable solitude du mitard, tapage nocturne obsédant de la détention "normale" mêlé aux hurlements du bébé.
La culpabilité d'être "une mauvaise mère" Dans la seconde partie du film, Ombline quitte la bulle de la nurserie, retrouve les cellules surpeuplées et tente, pour son fils confié à une famille d'accueil, de se reconstruire.
Le jeune réalisateur de 29 ans a bénéficié d'un décor hors normes: l'historique prison Saint-Michel de Toulouse, construite à la fin du XIXème siècle, désaffectée depuis 2009.
"J'ai reçu une énorme claque quand j'ai rencontré ces femmes en prison", explique Stéphane Cazès, obsédé par ce sujet depuis de nombreuses années et qui s'est nourri d'une longue expérience de bénévole en milieu carcéral.
"Le scénario a été construit en fonction des femmes que j'ai rencontrées en détention, et c'est pour elles que j'ai fait ce film, pour tout ce qu'elles m'ont apporté".
Parmi les "chocs" qui ont marqué le jeune cinéaste: "la notion si floue entre coupables et victimes tant les femmes en prison ont souvent été malmenées par la vie, ont elles-mêmes eu des parents ou des proches détenus" et "leur grande solitude, car si les épouses font parfois des centaines de kilomètres pour voir un mari en prison, l'inverse est rarement vrai, les hommes sont moins courageux et s'en vont".
"Elles éprouvent une grande culpabilité liée au sentiment d'être considérées par la société comme de mauvaises mères", poursuit le réalisateur.
L'actrice Mélanie Thierry, loin des apprêts de la Princesse de Montpensier, l'un de ses derniers rôles, se souvient des "détenues angoissées, déchirées", auxquelles elle a donné des cours de théâtre pour préparer le film, "juste parce que c'était la rentrée des classes de leurs enfants et qu'elles n'étaient pas présentes".
Vingt-six prisons françaises sont équipées pour recevoir des détenues avec leur enfant, soit 70 places de nurserie, où sont actuellement accueillis 28 bébés.