mercredi 26 septembre 2012

La semi-liberté, «c’est presque pire que la prison»


Farid. 29 ans, condamné à deux ans de prison ferme
Par Célia Lebur

Chaque soir, Farid remet son téléphone portable au surveillant, ses affaires personnelles au casier, fermé à clé. Et, à 23 h 30, il retrouve sa cellule. «A quoi ça sert de laisser la porte ouverte, si c’est pour nous mettre des barreaux aux fenêtres ?» se demande le jeune homme. Interdiction de recevoir de visites, fouilles quotidiennes : les contraintes continuent… Comme si la semi-liberté n’avait rien changé. «Parfois, je me dis que c’est presque pire que la prison», raconte Farid.
En 2010, il tombe pour des petits délits : conduites sans permis en récidive, appels malveillants et escroquerie à la carte bleue. Les sursis sont révoqués les uns après les autres, et il prend deux ans ferme. Farid le sait, en «semi», on n’a pas le droit à l’erreur. Apprenti comédien dans une école parisienne, il doit courir, après les cours du soir, pour attraper le métro qui le ramènera au centre de Villejuif (Val-de-Marne). Paradoxe, c’est la prison qui l’a amené d’un BEP vente à la comédie : Farid participait aux ateliers théâtre «pour tromper l’ennui et canaliser [s]a colère». Aujourd’hui, il s’implique, et la situation devient plus compliquée : «Comment voulez-vous que j’apprenne un texte avec trois codétenus ?» Les horaires ne se négocient pas. Le moindre retard peut valoir un signalement au juge d’application des peines. Celui qui, sur un simple bout de papier, peut révoquer les sorties du week-end, voire décider d’une réincarcération. «Quand un prof demande à me voir après les cours, quand des amis me proposent d’aller boire un verre, je suis obligé de mentir pour m’esquiver», explique-t-il.
Pour le reste, les journées se remplissent à mesure que la «vraie liberté» approche. Farid cherche un petit boulot, pour pouvoir payer les frais d’inscription de l’école, 360 euros par mois. «Moi, je me débrouille, j’ai la chance d’avoir mes parents, raconte-t-il. Mais les autres, ils sont pas diplômés, et tout le temps passé en détention n’a servi à rien. Ils sortent sans argent et ne trouvent pas de travail. Livrés à eux-mêmes, ils replongent dans les conneries.»