Les détenus souhaitant participer au scrutin sont soumis à un véritable parcours du combattant
Franck Johannès
La très grande majorité des détenus a le droit de vote, mais ne s'en sert guère : la participation était inférieure à 6 % en 2007. C'est que voter en prison relève du parcours du combattant. Contrairement à une idée reçue, la détention ne supprime pas automatiquement les droits civiques, comme c'était le cas jusqu'en 1994 pour une majorité de détenus. La plupart peuvent voter, et même se présenter.Au 1er avril, 77 304 personnes étaient placées sous écrou selon l'administration pénitentiaire - pas forcément en prison, une partie d'entre elles purgent leur peine à l'extérieur. Les détenus réellement enprison étaient 67 161 en avril, un record absolu. Si on ajoute les mineurs (780), les étrangers (près de 13 000) et les condamnés privés explicitement de leurs droits civiques, 15 890 personnes n'ont pas le droit de vote. Il reste ainsi 61 414 personnes sous écrou qui peuvent aller voter dimanche. Ils n'iront guère. L'élection de 2007 a connu un record de participation : 2 370 prisonniers ont été voter au premier tour, 2 697 au second, soit 5,6 %. Au second tour des municipales en 2008, 544 votants avaient été recensés, soit 1,4 %; au référendum sur l'Europe de 2005, 500 personnes...La population carcérale, la moins socialisée, est aussi la moins informée, en dépit des efforts des associations Robin des lois, Ban public ou l'Observatoire international des prisons (OIP). « Ce qui est inquiétant, c'est ce déficit d'information, explique Marie Cretenot, de l'OIP. Beaucoup de gens pensent qu'ils ont perdu leurs droits civiques du fait de leur incarcération. Il n'y a guère d'information directe, l'administration se contente d'un affichage, souvent dans des couloirs où il est parfois interdit de stationner. » L'affichette « Le savez-vous ? », indique, dans un maigre paragraphe : « Pouvez-vous voter ? Oui, si vous remplissez les conditions pour exercer votre droit de vote et si vous êtes inscrit sur une liste électorale avant le 31 décembre 2011. »Il faut évidemment être inscrit. Soit dans sa commune habituelle, soit depuis la loi pénitentiaire de 2009, et c'est un gros progrès, en élisant domicile dans l'établissement pénitentiaire. Ce n'est pas simple : il faut demander au service d'insertion et de probation, après être allé au service de fouille récupérer sa carte d'identité et au greffe obtenir un certificat de présence.Le plus dur reste à faire : aller voter. Depuis 2007, peuvent obtenir une permission de sortir les détenus condamnés à une peine de moins de cinq ans, ou supérieure à cinq ans s'ils ont purgé la moitié de leur peine et s'ils obtiennent l'autorisation du juge d'application des peines. Sont donc exclus les prévenus en attente d'un jugement définitif, qui représentent quand même un quart des détenus. L'autorisation est délivrée au compte-gouttes : sur 2 500 détenus à Fresnes, 5 l'ont obtenue (on ne sait pas combien pouvaient la demander et combien l'ont fait).Les autres devront voter par procuration; les parlementaires ne se sont pas résolus à autoriser l'installation d'isoloirs en prison, comme par exemple au Danemark. On peut établir une procuration en demandant au greffe, qui fait venir un officier de police judiciaire. Reste à trouver un mandataire. Un décret de 2010 interdit au personnel pénitentiaire « ou aux personnes remplissant une mission dans l'établissement » de prendre une procuration. Il faut donc trouver une bonne volonté en dehors de la prison, et lui téléphoner est souvent compliqué : les condamnés doivent fournir copie de la facture de téléphone de la personne pour tous leurs appels extérieurs.L'administration reconnaît qu'il y a une difficulté. Son directeur a proposé aux responsables des établissements « de prendre attache avec le maire de la commune afin que, faisant appel à l'esprit civique de ses administrés, il puisse proposer le nombre de mandataires nécessaires » aux détenus pas encore totalement découragés.