Le 6 juillet, le Conseil d’Etat a renvoyé au Conseil constitutionnel une nouvelle question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur le travail en prison. Alors qu’il y a deux ans le Conseil avait estimé qu’il n’est pas contraire à la Constitution de priver les travailleurs détenus d’un contrat de travail, il va devoir aujourd’hui dire si le régime dérogatoire qui leur est imposé respecte les droits et principes constitutionnels.
La QPC, formée par un détenu avec le soutien de l’OIP, cible l’article 33 de la loi pénitentiaire qui prévoit que les relations de travail font l’objet d’un « acte d’engagement » établi unilatéralement par l’administration, sans aucune garantie apportée à l’exercice des droits fondamentaux. Une situation dénoncée de manière récurrente par de nombreuses voix, dont celle de l’ancien Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), Jean-Marie Delarue, qui évoquait un régime qui a des « relents du XIXème siècle ». Soumis aux desiderata de l’administration pénitentiaire ou des entreprises concessionnaires, les travailleurs détenus peuvent être privés de repos hebdomadaire. Ou ne travailler que quelques heures par mois, sans compensation des heures chômées. Ils n’ont droit à aucune indemnité en cas de maladie ou d’accident du travail. Ils ne peuvent prétendre au salaire minimum, ni se prévaloir d’aucune forme d’expression collective ou de représentation syndicale. Tout ceci dans un contexte où la médecine du travail est inexistante, pas plus que le sont les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) obligatoires en milieu libre.
En juin 2013, une première QPC visant à dénoncer l’exclusion des travailleurs détenus du bénéfice d’un contrat de travail avait été rejetée. Immédiatement, la Chancellerie s’était félicitée de ce que le Conseil avait su « prendre en compte les spécificités du travail en milieu pénitentiaire en reconnaissant que les règles législatives qui organisent les conditions de travail des personnes détenues étaient conformes aux droits et libertés garantis par la Constitution dans son préambule ». Cependant, il s’agissait là d’une analyse hâtive comme l’avait dénoncé l’OIP à l’époque. Car si l’encadrement d’une relation de travail par un contrat et l’application du Code du travail n’est pas une exigence constitutionnelle(1) le respect des droits et principes constitutionnels doit être, quant à lui, toujours garanti. Quel que soit le caractère dérogatoire du régime appliqué. Or, cet aspect n’avait pas été examiné, le Conseil n’ayant alors été saisi que de la conformité de l’absence de contrat de travail. C’est sur cette dimension délaissée que le Conseil va devoir se pencher en raison du nouveau recours.
« Au nom de quels principes d’exécution des peines maintenir un dispositif qui s’apparente davantage aux conditions de travail du premier âge industriel qu’à celle de la France de ce jour ? » se demandait le CGLPL en juin 2013. « Quelle nécessité peut justifier l’ignorance des règles de droit commun en matière d’hygiène et de sécurité, en matière de relations du travail, en matière de durée du travail ? ». Ce sont en somme les questions auxquelles va devoir répondre le Conseil constitutionnel. Il dispose de trois mois pour le faire.
(1) Ce principe a été rappelé à diverses reprises s’agissant des fonctionnaires
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