vendredi 2 novembre 2012

Quid de l'avenir de la maison centrale de Poissy ?



AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2013 (n° 235),
TOME VI
JUSTICE
ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE
PAR M. Sébastien HUYGHE,
Député.


b) Quel avenir pour la maison centrale de Poissy ?

Votre rapporteur pour avis a souhaité, dans le cadre de la préparation du présent avis, visiter l’un de ces établissements dont la fermeture est remise en cause, et s’est donc rendu à la maison centrale de Poissy. Son objectif était d’évaluer, le plus objectivement possible et sans a priori sur la meilleure solution à retenir, les avantages et les inconvénients que présenterait soit une fermeture soit un maintien en service.
Votre rapporteur pour avis remercie chaleureusement le directeur de la maison centrale de Poissy et l’ensemble des personnels qu’il a pu rencontrer à l’occasion de cette visite, tant pour la qualité de leur accueil que pour les informations qui lui ont été communiquées, et salue leur dévouement à l’institution et leur investissement évidents.
Les maisons centrales sont des établissements pénitentiaires accueillant les personnes condamnées à des longues peines dont les perspectives de réinsertion apparaissent comme les moins favorables. Située au centre historique de la vieille ville, la maison centrale de Poissy est un ancien couvent fondé en 1645, en partie détruit à la Révolution et transformé en 1810 en dépôt de mendicité. En 1817, les bâtiments sont transformés en prison, puis convertis en maison centrale de correction en 1821. Presque complètement reconstruite sous le Second Empire, puis à nouveau en 1975, la maison centrale est désormais composée d’un bâtiment cellulaire construit sur quatre niveaux, les locaux administratifs étant situés dans une aile de l’ancien couvent tandis qu’une autre aile de cette partie historique est désaffectée depuis 1975. Aujourd’hui, la maison centrale de Poissy dispose d’une capacité opérationnelle de 235 places.
La maison centrale de Poissy faisait partie des établissements dont le précédent Gouvernement avait, en juillet 2010, annoncé la fermeture dans le cadre du programme « NPI », parallèlement à l’ouverture de trois établissements neufs en Ile-de-France. Comme pour les 35 autres sites dont la fermeture était programmée, cette décision avait été prise en prenant en compte les conditions de détention, notamment au regard des normes de la loi pénitentiaire, la difficulté à le rénover ou à le mettre aux normes du fait des contraintes financières ou de contre-indications techniques et sa situation géographique particulière.
Dans sa configuration actuelle, la maison centrale de Poissy présente indéniablement un certain nombre d’atouts, à commencer par sa situation en centre-ville et sa bonne desserte tant routière que ferroviaire, qui favorisent le maintien des liens familiaux (38). Elle paraît également fonctionner de façon globalement satisfaisante et apaisée, les personnels rencontrés par votre rapporteur pour avis n’ayant pas fait part de difficultés particulières en matière de conditions de travail et ayant souligné que l’établissement faisait partie des plus demandés par les personnels pénitentiaires en Ile-de-France.
Toutefois, cette maison centrale souffre également d’un certain nombre de handicaps tenant aux conditions de détention, à sa sécurité et aux activités accessibles aux détenus. Tout d’abord, sur le plan des conditions de détention, sa mauvaise isolation (fenêtres sans double vitrage, courants d’air et combles non isolés) la rendent particulièrement vulnérable aux grands froids (39) et coûteuse en énergie. En outre, la superficie de 7 m² des cellules les placent tout juste au-dessus du niveau indicatif souhaitable fixé par le Comité européen pour la prévention de la torture à 6 m² pour une cellule occupée par une personne seule. Cette faible superficie s’avère particulièrement problématique lorsque la personne détenue est une personne à mobilité réduite, se déplaçant en fauteuil roulant et dormant dans un lit médicalisé, comme cela est de plus en plus fréquemment le cas en raison du vieillissement de la population pénale.
En deuxième lieu, sur le plan de la sécurité de l’établissement, son implantation en centre-ville, la configuration de ses bâtiments et sa proximité des immeubles environnants le rendent aujourd’hui impropre à sa destination théorique de maison centrale à haut niveau de sécurité. De fait, selon le directeur de l’établissement, le profil des personnes qui y sont aujourd’hui écrouées s’apparente – à quelques exceptions près – davantage à la population d’un centre de détention pour longues peines plutôt qu’à celle des autres maisons centrales dites « sécuritaires ».
En troisième lieu, sur le plan des occupations accessibles aux détenus, les surfaces d’ateliers trop restreintes et l’impossibilité pour les camions semi-remorques d’accéder à l’établissement en raison de sa localisation en centre-ville nuisent à l’attractivité de l’établissement pour les entreprises. Au-delà du contexte actuel difficile pour l’emploi en général et pour l’emploi pénitentiaire en particulier, cette faible attractivité aboutit à ce que seuls 60 détenus puissent aujourd’hui travailler en ateliers (40), les détenus nouvellement affectés à la maison centrale devant attendre en moyenne un an avant de pouvoir travailler.
Ces différents éléments avaient conduit le précédent Gouvernement à considérer qu’un maintien en service en l’état de cette maison centrale n’était pas envisageable : un choix clair et rapide devait être fait entre une fermeture et une réhabilitation. Le coût d’une réhabilitation complète du site avait alors été évalué à 55 millions d’euros, sans accroissement de la capacité d’accueil, soit un coût à la place de 239 000 €. Toutefois, une telle réhabilitation n’aurait pas permis de gommer les défauts structurels de l’établissement, que sont le manque de surface disponible pour créer des zones d’ateliers attractives et la localisation en centre-ville qui rend impossible l’accès aux véhicules semi-remorques. Par comparaison, le coût moyen de construction à la place dans le cadre d’un établissement neuf a été évalué par la Cour des comptes à un montant allant de 108 300 € à 145 500 € selon la formule juridique retenue (41).
Au vu de ces éléments financiers, des inconvénients qu’aurait présentés une réhabilitation par rapport à une construction neuve et de la nécessité d’étendre et de moderniser le parc pénitentiaire français pour répondre aux besoins en matière d’exécution des peines, le précédent Gouvernement avait pris la décision de fermer la maison centrale de Poissy et de la remplacer par un établissement neuf, plus grand et totalement adapté aux standards pénitentiaires actuels.
Cependant, le nouveau Gouvernement a, dès son installation, gelé ce projet de construction d’une nouvelle maison centrale. Un nouveau projet de restructuration, consistant à transformer la maison centrale en centre de détention pour longues peines d’une capacité de 350 places auquel seraient accolés un centre de semi-liberté de 50 places et un centre pour peines aménagées de 30 places, a été préparé par la direction de l’établissement, et évalué à 19 millions d’euros. Un projet complémentaire de réalisation d’un centre de formation continue et de séminaires de l’administration pénitentiaire, dans des bâtiments adjacents au nouvel établissement, a également été élaboré et évalué à 12 millions d’euros.
Votre rapporteur pour avis a entendu le souhait exprimé par les représentants du personnel de l’établissement qu’il a rencontrés que le site de Poissy demeure un site pénitentiaire et le soutien apporté par ces personnels au projet présenté par la direction. Toutefois, il estime nécessaire d’attirer l’attention sur l’inconvénient majeur d’une nouvelle restructuration du site de Poissy : le fait que la surface disponible sera nécessairement limitée et le risque élevé que les zones d’activités (ateliers, espaces de formation et installations sportives) se révèlent trop limitées compte tenu de l’augmentation de capacité envisagée.
Surtout, il estime qu’il importe que le Gouvernement prenne rapidement une décision sur l’avenir de la maison centrale de Poissy, l’incertitude qu’il laisse planer sur l’avenir de ce site pouvant être source de démobilisation des personnels et ayant pour effet de maintenir en service un établissement qui ne saurait rester plus longtemps en l’état.

http://www.assemblee-nationale.fr/14/budget/plf2013/a0258-tVI.asp