Le point de vue de l’Avocat dans la « problématique »
du contrôle des établissements pénitentiaires.
Cette journée, organisée par l’E.N.M. et la Cour d’Appel de
MONTPELLIER aurait dû se dérouler en
2011 mais le très faible nombre d’inscrits tant du côté magistrat que du
côté des Avocats (encore plus faible !) a entraîné son annulation ;
fort heureusement, cette passionnante journée a pu être organisée, et
maintenue, pour l’année 2012 et s’est déroulée le 5 octobre, à Aix en Provence.
Ce préliminaire n’est pas vain ; en effet, l’annulation,
en 2011, reflète le peu d’intérêt des avocats, y compris pénalistes, pour la
prison et les problématiques qui s’y rattachent, savoir, d’une part, le droit
de l’application des peines et, d’autre part, le doit administratif
pénitentiaire.
Je rêve d’avocats qui, combinant ces différents champs,
pratiqueront ce que j’appelle la « défense pénale globale », allant
de la garde à vue à la sortie de prison ; le droit pénal classique,
certes, mais aussi les libérations conditionnelles ab initio ou non, le suivi de
l’exécution des peines, la personne détenue face à l’administration pénitentiaire,
le contentieux de la responsabilité de l’Etat dans les hypothèses de suicide en
prison, d’atteintes hétéro agressives, comme on dit pudiquement pour parler des
viols, des meurtres en prison etc…
Depuis plus de quinze années que je traîne mes guêtres en
prison, je mesure l’immensité des champs d’action qui s’offrent aux Avocats et
le rôle central qu’ils pourraient jouer en ces lieux dans lesquels ils sont les
seuls à pouvoir pénétrer facilement pour rencontrer leurs clients, usagers d’un
service public, le service public pénitentiaire.
Je mesure aussi l’importance de la demande d’aide et d’assistance
qui émane des personnes détenues, demande non satisfaite.
S’agissant du contrôle des établissements pénitentiaires, l’Avocat
a un rôle central à jouer.
J’ai pris l’habitude d’évoquer une idée, celle de renverser
le panoptique, c’est-à-dire, utilisant l’invention de Monsieur Bentham, créant
un modèle d’architecture permettant, à partir d’un point central, d’observer l’ensemble
des cellules d’une prison, d’imaginer que ce sont maintenant les personnes
détenues elles-mêmes qui surveillent l’administration pénitentiaire, qui la
contrôlent !
Ce contrôle est exercé au premier chef par le Contrôleur
Général des Lieux de Privation de Liberté mais pas seulement ; en effet,
antérieurement à la création du Défenseur des Droits, la Commission Nationale
de Déontologie de la Sécurité, difficile à saisir, certes, exerçait un contrôle
donnant lieu à des avis allant parfois jusqu’à des propositions de sanctions
disciplinaires.
Tant le CGLPL que le Défenseur des Droits, dorénavant, sont
faciles à saisir par toute personne qui a connaissance, soit d’une atteinte
commise dans un lieu de privation de liberté.
Les relations, qui pourraient
être riches et fructueuses, entre l’Avocat et les institutions de contrôle
L’Avocat dénonce :
S’agissant de la prison, les rapports et avis des deux
institutions sont une véritable mine d’or pour l’avocat qui veut s’en emparer.
Qu’on se le dise, le dernier rapport du Contrôleur Général
des Lieux de Privation de Liberté fait état de ce que seulement 3,5% de ses
saisines sont le fait d’Avocats ! (l’année précédente, ils étaient 7% !)
Pour ma part, j’ai déjà saisi le Contrôleur Général de plusieurs
situations choquantes, révoltantes ; de même, par l’intermédiaire d’un
parlementaire, j’ai pu saisir l’ancienne Commission de Nationale de Déontologie
de la Sécurité.
Premier
exemple : Expertise de la maison d’arrêt de Troyes, au mois d’avril 2011,
saisine, le soir même, du Contrôleur Général à propos de véritables cages dans
lesquelles sont enfermées, entassées, parquées, les personnes détenues en
attente de parloir.
Résultat :
après une visite inopinée du Contrôleur à Troyes, les cages, qui se trouvaient
au nombre de trois, destinées à « réguler les flux », un peu partout dans
la maison d’arrêt, ont été démontées !
Deuxième
exemple : les rapports du Contrôleur Général recèlent des possibilités de
recours ; par exemple, s’agissant des salaires versés aux personnes
détenues, malgré le Décret du 23 décembre 2010, ceux-ci sont toujours
inférieurs au barème édicté par ce texte.
L’avis
du Contrôleur est particulièrement utile pour fonder un recours auprès du Garde
des Sceaux, dans un premier temps devant le Tribunal Administratif, le cas
échéant, dans un second temps, aux fins de rappels de salaires à partir du 1er
janvier 2011.
Par
ailleurs, s’agissant des conditions de détention en Nouvelle Calédonie, le
rapport de Monsieur DELARUE, très alarmant, a d’ores et déjà servi de base à
une série de recours contre l’Etat, couronnés de succès, sans qu’il ait été
besoin de recourir à une expertise !
Troisième
exemple : Centre Pénitentiaire de Liancourt (Oise), une altercation oppose
une personne détenue à des surveillants ; ces derniers maîtrisent la
première qui est blessée à cette occasion.
Après un
bref passage à l’hôpital, la personne détenue est placée en prévention au
quartier disciplinaire où elle se suicidera le lendemain, vers 14 heures, non
sans avoir demandé de l’aide toute la matinée et entamé une grève de la faim en
protestation.
La CNDS,
saisie par une parlementaire, a effectué un travail énorme d’enquête, d’auditions,
tant des surveillants concernés par l’altercation que des détenus témoins pour
aboutir à la démonstration que riposte des surveillants avait été
disproportionnée à l’énervement finalement relatif de la victime.
L’avis
qui s’en suivit, très critique vis-à-vis de l’administration pénitentiaire, me
fut très utile pour obtenir la condamnation de l’Etat devant la Cour Administrative
d’Appel de DOUAI.
Je me
souviens également avoir saisi la C.N.D.S. d’une situation particulièrement
choquante, toujours à LIANCOURT (vieux CD) où onze personnes détenues avaient
fait l’objet d’un fouille collective à nu dans une vaste salle de douche !
L’Avocat défend :
Protection et progression des Droits des personnes
détenues :
Droit à
l’image : l’affaire du film « Le Déménagement » annulation de l’interdiction
par l’administration pénitentiaire, au motif non justifié de l’article 41 de la
loi pénitentiaire du 29 novembre 2009, de diffusion du film retraçant l’histoire
du déménagement de la vieille maison d’arrêt de Rennes vers le nouveau centre
pénitentiaire de Rennes-Vezin, dans lequel les détenus, avec leur accord écrit,
apparaissent non floutés.
Recul de
la notion de mesure d’ordre intérieur : régression de l’emprise de l’administration
pénitentiaire en matière disciplinaire, transferts, mise à l’isolement, régimes
différenciés etc…
Le Droit
à la dignité : expertises des établissements pénitentiaires, s’agissant des
conditions de détention entraînant une multiplication des condamnations de l’Etat
à raison des conditions de détention dans de nombreux établissements pénitentiaires,
métropole et outre-mer :
·
Rouen
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Nantes
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Clermont Ferrand
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Paris La Santé
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Fresnes
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Tours
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Marseille les Baumettes
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Remire Montjoly (Guyane)
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Camp Est en Nouvelle Calédonie
Le
concept du contrôle par les personnes détenues elles-mêmes gagne du terrain ;
d’une personne en 2008, à Rouen et quatre personnes à Nantes, la même année,
elles sont maintenant des centaines à oser saisir le Juge administratif aux
fins de condamnation de l’Etat.
Ces
procédures se sont d’ailleurs accélérées depuis la mise en œuvre, pour la
première fois, en 2009, à Rouen et généralisée depuis, de procédures de référés
provision, partant du principe que la demande ne peut être sérieusement
contestable tant l’atteinte à la dignité est avérée.
Par
ailleurs, les constats et expertises des établissements pénitentiaires
présentent également l’avantage de pouvoir être utilisés dans des procédures
judiciaires, telles que les suspensions de peine pour raison médicale.
En
effet, quoi de mieux qu’une expertise (en l’occurrence, celle de la maison d’arrêt
de Fresnes) pour démontrer à un juge de l’application des peines l’incompatibilité
de l’état de santé d’une personne détenue avec les conditions de détention
auxquelles elle est soumise ?