jeudi 15 septembre 2011

Le «tout carcéral» est une erreur


L'opinion Hélène Dorlhac, ancienne secrétaire d'État, inspectrice générale honoraire des affaires sociales

13 septembre 2011
La Croix

Il faut nous interroger sur le rôle que notre société veut donner à la prison : ne veut-on lui reconnaître que son rôle immédiat de protection de la société en isolant l'individu dangereux, ou bien veut-on lui voir aussi jouer un rôle éducatif et thérapeutique afin de préparer la réinsertion du détenu à son retour au monde libre, évitant ainsi les récidives et donc de nouvelles victimes ?

Si le premier rôle dévolu à la prison paraît acquis, je pense que beaucoup de prisons ne sont pas en mesure d'assumer leur rôle de réinsertion.

La prison est en crise :

En premier lieu, la surpopulation carcérale actuelle qui, outre des problèmes de salubrité rencontrés dans les vieilles prisons, crée des problèmes de promiscuité indignes de notre société et sources des pires humiliations en particulier pour les plus faibles.

En second lieu, malgré des améliorations récentes, il existe un manque important de personnel de surveillance et socio-éducatif (psychologues, éducateurs, enseignants…) ainsi que de personnel de probation et d'insertion. Les personnels ont un rôle essentiel dans la préparation à la réinsertion. L'accueil et le suivi des détenus fragiles leur incombent, en particulier pour prévenir les suicides.

Enfin, d'autres difficultés se surajoutent à la peine. Trop peu de détenus peuvent bénéficier d'un travail qui ne soit pas dévalorisant et très mal rémunéré ; un salaire normal leur permettrait d'indemniser les victimes, de résister à l'influence des caïds et de constituer un pécule pour leur sortie.

La distanciation des liens familiaux surtout pour les longues peines peut être la cause de rupture entre les parents et leurs enfants. Il faut aussi souligner la situation des maisons d'arrêt où sont regroupés des détenus d'âges et de profils psychologiques différents, avec de gros risques de tension car la prison est criminogène.

Devant ce constat de surpopulation et de freins à la réinsertion, il faut privilégier pour les condamnés à de courtes peines (de loin les plus nombreux) les aménagements de peine et les alternatives à l'incarcération (semi-liberté, travail d'intérêt général, bracelets électroniques..).

Beaucoup de condamnés ne devraient pas être incarcérés : les malades mentaux, les toxicomanes (souvent très jeunes) les personnes âgées et les délinquants sexuels pour lesquels des structures spécialisées devraient être créées et qui doivent bénéficier d'un suivi très rigoureux après leur libération avec injonction de soins.

La construction de nouvelles prisons est en cours ; il est souhaitable que leur capacité ne soit pas trop grande afin que leur modernité ne nuise pas aux relations humaines. Ces prisons devraient s'insérer dans le tissu urbain car leur acceptation relève de nous tous.

En conclusion, la prison doit être à mes yeux une solution ultime réservée aux criminels dangereux. Le « tout carcéral » est une erreur.

Par son archaïsme et les frustrations qu'elle entraîne, la prison n'est pas adaptée à l'évolution de notre société : on ne refait pas un être social dans un cadre asocial sans pour autant confondre humanisation et laxisme.

La prison doit être conçue comme une institution sociale et quelle que soit la gravité de la peine encourue, les conditions de détention doivent être compatibles avec la dignité humaine et les droits de l'homme.
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