La Chambre
Criminelle de la Cour de Cassation, par un arrêt en date du 23 mars 2022, a
jugé :
"Tous les incidents contentieux relatifs à l'exécution des sentences pénales pour lesquels aucune autre procédure n'est prévue par la loi, tels que la contestation de la mise à exécution par le ministère public d'une peine d'emprisonnement, en application de l'article 723-16 du code de procédure pénale, relèvent des articles 710 à 712 du code de procédure pénale ».
Cette décision ouvre un champ très important d'intervention aux Avocats, devant la juridiction qui a prononcé la peine mise à exécution, en leur permettant, précisément, de contester cette mise à exécution.
L'article 723-16 du code de procédure pénale demeurait l'une des dernières dispositions insusceptibles de recours, alors même que, pourtant, elle aboutissait à une incarcération.
A titre d'exemple, la Juridiction Nationale de la Rétention de Sûreté, par une décision en date du 27 janvier 2012, (n°11 JNRS 004), statuant sur un appel formé par une personne placée en rétention de sûreté, à l'encontre d’une ordonnance de placement en rétention de sûreté prise par le Juge de l'Application des Peines, prévue par l'article 706-53-19 du Code de Procédure Pénale, à l'encontre de laquelle, pourtant, aucun recours n'est expressément prévu, a considéré, au visa de l’article 5 4ème alinéa de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, que l’appel de la décision du Juge de l'Application des Peines, en ce qu'elle entraîne une privation de liberté, sans qu’ait été respecté le principe du contradictoire et le droit à l'assistance effective d'un avocat, était recevable.
L'arrêt de la chambre criminelle du 23 mars 2022 vient donc réduire, une nouvelle fois, le champ de ces mesures insusceptibles de recours.
Au-delà de la stricte interprétation de l'arrêt, fondée sur l'article 723-16 du code de procédure pénale, il peut être considéré que, dorénavant, l’article 710 du code de procédure pénale[1] peut servir de fondement à d'autres recours contre des décisions d'incarcération prises par le Procureur de la République, à l'encontre de personnes qui auraient pu saisir le Juge de l'Application des Peines d'une demande d'aménagement de peine « ab initio », condamnées à des peines supérieures au seuil d'une année de l'article 723–15 du code de procédure pénale, mais qui remplissaient les conditions prévues, par exemple, par les articles 729 ou 729–3 du code de procédure pénale.
Ainsi, s'agissant des conditions posées par l'article 729 du code de procédure pénale, texte de base de toute procédure d'aménagement de peine, définissant des conditions de délai pour solliciter une telle mesure, un recours apparaît possible, dorénavant, en faveur d'une personne incarcérée alors que, compte tenu d'une détention provisoire antérieure, de l'imputation d'un crédit de remise de peine non pris en compte, celle-ci aurait pu prétendre à un aménagement de peine « ab initio ».
De même et, surtout, s'agissant des personnes âgées de plus de 70 ans, les dispositions combinées de l'avant-dernier alinéa de l'article 729[2] et de l'article D 525 du code de procédure pénale[3] permettent de considérer que, quel que soit le quantum de peine (délictuelle) prononcé, celles-ci peuvent prétendre à un aménagement de peine « ab initio », par le juge de l'application des peines.
Or, fréquemment, dès lors que la peine prononcée dépasse le seuil de l'article 723–15 du code de procédure pénale, des personnes, répondant aux critères de l'avant-dernier alinéa de l'article 729, sont incarcérées.
Ainsi, la situation de cette personne, âgé de 77 ans, incarcérée le 17 février 2021 au sein de la maison d'arrêt de Rouen, en exécution d'une peine de 4 ans d'emprisonnement et qui s’est vue accorder une mesure de libération conditionnelle, sous écrou, par un arrêt confirmatif de la Chambre de l'Application des Peines de Rouen du 28 février 2022, alors qu’elle aurait pu tout aussi bien bénéficier d’un aménagement de peine « ab initio ».
Dorénavant, une personne, se trouvant dans cette situation, par son Avocat, pourra introduire un incident, sur le fondement de l'article 710 du code de procédure pénale, devant la juridiction qui a prononcé la peine, savoir, en l'occurrence, la Chambre des Appels Correctionnels près la Cour d'Appel de Rouen, pour voir annuler l'incarcération ordonnée par le ministère public, afin de voir sa requête en aménagement de peine instruite par le Juge de l'Application des Peines territorialement compétent.
Il en est de même, s'agissant des personnes, mère ou père d'enfant (s) âgé (s) de moins de 10 ans, sur lesquelles elles exercent l’autorité parentale et qui réside (nt) à leur domicile, (à l'exception des personnes condamnées pour crime ou délit sur mineur), condamnées à une peine jusqu'à 4 années d'emprisonnement ou auxquelles il reste un reliquat de 4 années à purger, qui peuvent bénéficier des dispositions de l’article 729-3 du Code de Procédure Pénale, sachant qu'il leur est possible de rajouter une année supplémentaire sous la forme d'une Détention à Domicile sous Surveillance Electronique probatoire à la libération conditionnelle, en application des dispositions de l'article 723–7 du code de procédure pénale, soit, jusqu’à un total de 5 années de prison ferme.
En définitive, nombreuses sont les situations dans lesquelles un recours sur le fondement des articles 710 à 712 du code de procédure pénale serait pertinent.
Il s’agit là, de toute évidence, d’un recul important du pouvoir souverain d’incarcération du Ministère Public, du fait de la Jurisprudence, qui, par cette décision, permet de donner toute leur efficacité aux dispositions préexistantes du code de procédure pénale, évoquées ci-dessus.
[1] « Tous incidents contentieux relatifs à
l'exécution sont portés devant le tribunal ou la cour qui a prononcé la
sentence ; cette juridiction peut également procéder à la rectification des
erreurs purement matérielles contenues dans ses décisions. Pour l'examen de ces
demandes, elle tient compte du comportement de la personne condamnée depuis la
condamnation, de sa personnalité, ainsi que de sa situation matérielle,
familiale et sociale ».
[2] « Lorsque le condamné est âgé de plus de 70
ans, les durées de peines accomplies prévues par le présent article ne sont pas
applicables et la libération conditionnelle peut être accordée dès lors que
l'insertion ou la réinsertion du condamné est assurée, en particulier s'il fait
l'objet d'une prise en charge adaptée à sa situation à sa sortie de
l'établissement pénitentiaire ou s'il justifie d'un hébergement, sauf en cas de
risque grave de renouvellement de l'infraction ou si cette libération est
susceptible de causer un trouble grave à l'ordre public.
[3]
« Dès lors qu'il remplit les conditions prévues par l'article 729 ou
par l'article 729-3, tout condamné peut, même s'il n'est pas sous écrou, être
admis au bénéfice de la libération conditionnelle ».