jeudi 8 décembre 2011

Prison de Nouméa : un cas critique

Le contrôleur des prisons dénonce une "violation grave des droits fondamentaux" des détenus. Interview de François Bes, coordinateur Outre-Mer pour l'OIP.

Mardi 6 décembre, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) Jean-Marie Delarue a publié ses recommandations concernant la prison de Nouméa, en Nouvelle-Calédonie. Et dénonce une "violation grave des droits fondamentaux" des détenus.
"Le Nouvel Observateur" a interrogé François Bes, coordinateur Outre-Mer pour l'Observatoire international des prisons (OIP) qui publie mercredi 7 décembre un rapport alarmant sur l'évolution des conditions de détention sur l'ensemble du territoire français.
Quelles sont les principales difficultés rencontrées par la prison de Nouméa ?
- La prison de Nouméa, appelée Camp Est, regroupe un quartier maison d'arrêt, un centre de détention, un quartier femmes, un quartier mineurs et jeunes majeurs, et un centre de semi-liberté. Au 1er novembre 2011, l'ensemble du centre pénitentiaire accueillait 456 détenus pour 218 places. Le taux d'occupation général est de 200%, celui du quartier maison d'arrêt de 317% et le centre de détention de 127%. Au-delà de la surpopulation, les détenus rencontrent de nombreuses difficultés liées au manque d'hygiène, d'accès aux soins, à la formation, à l'accueil des familles,...
En quoi la situation de cet établissement pénitentiaire est-elle particulière ?
- Les deux pires prisons françaises en termes de conditions de détention sont le centre pénitentiaire Camp Est de Nouméa et celui appelé Faa'a-Nuutania en Polynésie, dont le centre de détention a un taux d'occupation de 400%. A Nouméa, les installations sanitaires sont complètement dégradées, les toilettes sont au milieu des cellules, il y a de nombreuses fuites d'eau, certains détenus ont déjà été mordus par des rats. L'an dernier, lors d'une inspection des services vétérinaires, des parasites ont été trouvés dans la nourriture et il n'est pas rare que les détenus y trouvent des vers.
A quelles difficultés les détenus sont-ils confrontés concernant l'accueil de leurs familles ?
-Le positionnement de la prison et son éloignement oblige en lui-même les familles à voyager pour rendre visite à leurs proches. De plus, le système de prise de rendez-vous pour les parloirs ne pouvant être fait à distance, les familles doivent se déplacer pour prendre rendez-vous. Si les parloirs sont pleins, elles peuvent attendent une demi-journée, voire une journée entière. Avec les frais que cela occasionne si elles doivent être hébergées à Nouméa. Par ailleurs, malgré la loi pénitentiaire en vigueur depuis 2009, les détenus n'ont toujours pas accès au téléphone, ce qui permettrait déjà de favoriser les liens avec leurs proches.
Le ministre de la Justice a annoncé un prochain "diagnostic" pour "déterminer le centre pénitentiaire de Nouméa pour les années à venir". Qu'en dites-vous ?
- La situation de Camp Est s'est fortement dégradée pendant des années, tout le monde le savait mais personne ne disait rien. L'éloignement des pouvoirs centraux parisiens n'y est sans doute pas pour rien. C'est seulement en train de bouger, mais on en est encore à l'état d'annonce. Le ministère affirme aujourd'hui rechercher un autre site pour construire une autre prison. Mais, en attendant, d'autres solutions sont possibles, comme le fait de mettre des moyens sur la prévention et l'alternative à la prison, qui a prouvé son efficacité et coûte moins cher qu'une place de prison. Les budgets débloqués en 2010 n'ont servi qu'à renforcer la sécurité pour empêcher les évasions. Lors de leur procès, des détenus de Camp Est qui s'étaient évadés ont affirmé qu'ils acceptaient de retourner en prison si ce n'était pas à Camp Est...
Interview de François Bes, coordinateur Outre-Mer pour l'Observatoire international des prisons (OIP). Par Céline Rastello