jeudi 2 juillet 2015

Un exemple topique de confusion entre le mécanisme général de libération conditionnelle de l’article 729 du code de procédure pénale et le mécanisme dérogatoire instauré par la Loi PERBEN II, créant le dispositif de libération conditionnelle pour raison parentale, codifié à l’article 729-3 du code de procédure pénale.

L’article 729 du CPP prévoit qu’une personne qui présente des gages sérieux de réadaptation sociale peut déposer une demande de libération conditionnelle dès lors qu’elle a effectué une durée de peine au moins égale à celle qu’il lui reste à purger.

Antérieurement à la Loi du 15 août 2014, les personnes condamnées en récidive ne pouvaient déposer une telle demande qu’après avoir accompli le double de la période restant à purger, soit les deux tiers de peine. Cette dernière disposition a été abrogée par la Loi « TAUBIRA » ; dorénavant les récidivistes sont au même niveau que les non récidivistes, soit la mi-peine.

L’article 729-3 du CPP, quant à lui, est ainsi rédigé : "La libération conditionnelle peut être accordée pour tout condamné à une peine privative de liberté inférieure ou égale à quatre ans, ou pour laquelle la durée de la peine restant à subir est inférieure ou égale à quatre ans, lorsque ce condamné exerce l'autorité parentale sur un enfant de moins de dix ans ayant chez ce parent sa résidence habituelle ou lorsqu'il s'agit d'une femme enceinte de plus de douze semaines".

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux personnes condamnées pour un crime ou pour un délit commis sur un mineur.

Comme il est facile de le constater, ce texte ne comporte aucune disposition exigeant que la moitié de la peine soit purgée pour pouvoir recevoir application. De même, aucun renvoi n’est opéré vers l’article 729 du CPP qui impliquerait la notion de mi-peine.

Ce texte crée donc un dispositif dérogatoire au principe de l’article 729 du CPP, applicable dès lors qu’une personne doit purger une peine inférieure ou égal à quatre ans ou un reliquat de quatre années.
En réalité, la libération conditionnelle parentale a été créée afin de permettre aux personnes condamnées, chef de famille, ou mère enceinte depuis la Loi du 15 août 2014, de solliciter un aménagement de peine afin que leur famille ne soit pas pénalisée par leur incarcération ou afin de leur permettre de poursuivre leur grossesse et de mettre leur enfant au monde en liberté.

Cet aménagement de peine peut également être demandé « ab initio », c’est à dire, avant même l’incarcération, alors même que le requérant n’a pas effectué de détention provisoire et ce, même si la peine est supérieure aux seuils fixés par l’article 723-15 du CPP (deux années pour les non récidivistes et une année pour les récidivistes)

Voir à titre d’exemple : Cour de Cassation Chambre Criminelle 14 mars 2012, n° de pourvoi: 11-85373

Cette décision est particulièrement intéressante en ce que la chambre criminelle censure les premiers juges qui avaient rejeté une demande d’aménagement de peine présentée ab initio au motif que celle-ci ne satisfaisait pas aux conditions de quantum de peine posées par l’article 723-15 du CPP.
Ainsi, dans la mesure où la libération conditionnelle pour raison parentale peut être accordée ab initio, sans que le requérant ait accompli une seconde de détention provisoire, il ne peut qu'en être déduit qu'elle peut également être accordée, sous écrou, même lorsque le bénénficiaire éventuel n'est pas à mi-peine ! CQFD !

La Chambre Criminelle, en censurant la décision, a rappelé implicitement le caractère dérogatoire de l’article 729-3 du CPP tant aux dispositions de l’article 723-15 que de l’article 729 du CPP.

A cet égard, le parallèle peut être utilement opéré avec le dispositif de la suspension de peine pour raison médicale qui n’est pas un aménagement de peine stricto sensu, mais qui, depuis une circulaire ministérielle du 7 mai 2003 et, surtout, depuis un arrêt de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation du 21 février 2007 ; N° de pourvoi: 06-85595 est accessible au condamné libre, même en présence d’un quantum de peine supérieur aux seuils de l’article 723-15 CPP.

C’est en cela que cette décision est surprenante et devrait être réformée sans difficulté par le président de la Chambre de l’Application des Peines, saisi d’un appel dans les 24 heures.

En effet, le Juge de l’Application des Peines a estimé que, pour bénéficier des dispositions de l’article 729-3 du CPP, il convenait d’abord que le requérant soit parvenu à mi-peine et que, dans la mesure où celui-ci n’y était pas encore parvenu, sa demande était irrecevable. Il s’agit manifestement là d’une erreur de raisonnement.

Le travail de l’Avocat, en charge par son client de l’élaboration d’un aménagement de peine, ab initio ou non, consiste à rechercher la solution la plus favorable pour son client de nature également à convaincre le juge de l’application des peines :

Requête déposée Ab initio :

Le client rentre t’il ou non dans les seuils de l’article 723-15 du CPP ? Si non, y a t’il moyen, en fonction de sa situation de famille, de déposer une demande de libération conditionnelle parentale (permettant ainsi d’aménager une peine supérieure aux seuils du 723-15 ?

Si non et si le seuil est dépassé en raison de sursis révoqués par la peine ferme principale, demander au JAP (possible depuis la Loi du 15 août 2014) de dispenser le condamné de la révocation d’un ou plusieurs de ces sursis de façon à redescendre dans le seuil.

Si oui : choix de la mesure à solliciter : Placement sous surveillance électronique, semi-liberté, placement extérieur, conversion de la peine si celle-ci est inférieure ou égale à six mois, en une peine de jours amende ou de sursis assorti d’un travail d’intérêt général.

Requête déposée en milieu fermé :

De prime abord, il convient de déterminer si le requérant se trouve ou non parvenu à la moitié de sa peine.

S’il ne l’est pas, mais que celle-ci se trouve encore éloignée d’un an, il est possible de solliciter, soit un placement sous surveillance électronique probatoire (723-7 du CPP) ou une semi-liberté ou un placement extérieur probatoires (723-1 CPP) lesquels peuvent être sollicités une année avant la fin du temps d’épreuve fixé par l’article 729 du CPP, soit, en réalité la mi-peine (la règle des

Ces dispositifs permettent donc de déposer une demande d’aménagement de peine très tôt dans l’exécution de la peine (hormis le cas des infractions et des quantums de peine visés par l’article 730-2 du CPP).

Autre cas de figure : la libération conditionnelle parentale jusqu’à quatre années prononcées ou de reliquat de peine, dès lors que le requérant n’a pas été condamné pour un crime ou un délit sur un mineur (jusqu’à la loi du 15 aout 2014, les récidivistes en étaient également exclus par une disposition de la loi du 12 décembre 2005, totalement inexplicable et..injustifiable !).

Ainsi, en choisissant cette voie procédurale, le confrère qui a élaboré puis déposé cette requête, a agi intelligemment, dans l’intérêt bien compris de son client.

Cette requête démontre également, si besoin est, que l’application des peines devient de plus en plus un outil familier aux Avocats qui deviennent une véritable force de proposition à destination des juridictions d'application des peines, ce dont il faut se réjouir !